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V.

FRONTISPrCE.

ATHÈNES

DÉCRITE ET DESSINÉE

PAR

ERNEST BRETON

DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES ANTI Q^U AIRES DE FRANCE, ETC.

suiv;e D un

VOYAGE DANS LE PÉLOPONÈSE

DEUXIÈME ÉDITION

Ttjv itd/.EWv i^a-îôiv oirotraç o Ziu;

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« Je VOUS le dis, la plus brillante de toutes les villes que nous montre Jupiter, c’est Alhfmes. »

Athf.nke, Deipn., T.. I.

PARIS

L. GUERIN ET C'G EDITEURS

the:odore morgand, libraire dépositaire

t

5 RUE BONAPARTE 5

1868

Tous droits réserves.

A

SA MAJESTÉ

OTHON

ROI DE GRÈCE

HOMMAGE DE PROFOND RESPECT

DE SON TRÉS-HUMBIE ET TRÈS-OBÉISSANT SERVITEUR

ERNEST BRETON.

Paris, juin 1861.

1

Magnmi iter ad doclas proficisci cogor Athenas.

PnoPEucE. L. III. El. 21.

O MME le poëte, « j’entreprends le grand voyage de la docte Athènes; » an pied des colonnes de ses temples, sons ses porti¬ ques, an sommet de ses collines, je retrouverai les nombreuses traces des archéologues, des artistes qui m’y ont précédé; elles me guideront dans une carrière qu’éclaireront, comme autant de phares lumineux, les grands noms de Pausanias et d’Hérodote,

ceux des Stuart, des Chaiidler, des Dodwell, des Peurose, des Bôttiger, des Ottfried Müller, des Brôiidsted, des Pittakis, des Baugabé, des Raoul -Rochette, des Letroiiiie, des Lenormaiit, des Beulé, et tant d’autres non moins justement estimés.

Si les antiquités de la reine des arts ont déjà trouvé tant de fois de dignes interprètes, nous avons osé croire pourtant que, même après leurs savants ouvrages, il pouvait rester place pour une entreprise plus modeste, mais non moins utile peut-être.

Il y a peu d’années, je m’efforçais de populariser la connais¬ sance des ruines si curieuses de Pompéi en publiant une descrip¬ tion qui, par son format, par son plan, fût à la portée de toutes les intelligences, de tous les âgés, de toutes les fortunes. Le bien¬ veillant accueil fait à cet ouvrage, dont deux éditions ont paraître dans la même année, m’a prouvé que je ne m’étais i)as trompé en croyant répondre à Pnii des besoins de notre époque.

La pensée qui me guidait alors m’inspire encore aujourd’hui. Les antiquités d’Athènes, plus belles et aussi intéressantes que celles de Pompéi, sont beaucoup moins connues ; car si d’innom¬ brables voyageurs foulent chaque année le pavé de la rue des Tom- beau.Vj, les mosaïques de la villa de Diomède, bien peu traversent les mers pour aller admirer les chefs-d’œuvre de Mnésiclès, d’Ictinus et de Phidias. D’ailleurs, pour Athènes comme pour Pompéi, si les ouvrages spéciaux abondent, la plupart sont d’un format incommode et d’nn prix très -élevé; beaucoup sont écrits en langue étrangère, remplis de citations grecques et latines, ou même accompagnés de simples renvois aux écrits des anciens;

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ceux-ci ne s’adressent qu’aux savants de profession; d’antres, destinés exclusivement aux architectes, présentent une foule de détails inutiles, sinon inintelligibles pour la plupart des lecteurs. Nous aussi, nous avons mis à contribution les écrivains de l’anti¬ quité, mais partout, à moins qu’ils ne fissent répétition, nous avons transcrit entièrement en notes et traduit les passages ayant trait à notre sujet; nous avons profité des recherches faites par les voyageurs français, anglais, danois, allemands, italiens, par les archéologues de la Grèce moderne; nous avons enfin puisé des renseignements positifs et précieux dans les magnifiques travaux des architectes pensionnaires de la France.

Un excellent ouvrage, paru en 1853, nous a été d’un puissant secours dans une partie de notre tâche, mais aussi plus d’une fois il a fait notre désespoir. En lisant les pages à la fois si doctes et si élégantes tracées par M. Beulé, souvent nous nous sommes senti découragé. Pourtant, si nous ne pouvons faire mieux que le brillant professeur, nous pouvons foire autre chose : nous pou¬ vons décrire les monuments d’Athènes entière, au lieu de nous renfermer, comme lui, dans l’enceinte de l’Acropole; nous pou¬ vons rendre notre livre plus accessible aux gens du monde ; nous pouvons, par des dessins nombreux et scrupuleusement exacts, en faciliter l’intelligence; nous pouvons enfin, grâce à nos propres observations, émettre peut-être quelques idées nouvelles et ap¬ porter ainsi quelques pierres à l’édifice dont nos devanciers ont posé les fondements.

La science est un champ ouvert à d’incessantes conquêtes dont

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Dieu seul peut fixer les limites. Obscur soldat marchant k la suite de tant de chefs illustres, nous n’ambitionnons d’autre récompense que l’espoir d’avoir contribué , pour notre faible part, k frayer le chemin à de nouveaux conquérants qui peut- être eussent reculé devant les cailloux et les ronces que nous avons essayé d’écarter.

PLAN DE LACROPOLE

Porte do l’Acropole.

CHAPITRE PREMIER

ACROPOLE.

MURAILLES. ENTRÉE.

Acropole, ce lieu si célèbre dans l’histoire d’Athènes et dans celle de l’art est un rocher formé d’une sorte de marbre grossier blanc et rouge ; ce rocher se dresse au milieu de la plaine, entouré seulement de ciuelciues collines moins élevées, le Pnyx, l’Aréopage, le Musée, la colline des Nymphes, produites évidem¬

ment par un même soulèvement à une époque dont les hommes n’ont

1. Un Athénien nommé Héliodore avait écrit sur l’Acropole quinze livres aujourd’hui perdus et que nous ne connaissons que par la mention qu’en fait Athénée, Deipnosoph. L. VI.

10

ATHÈNES.

pas conservé le souvenir. Platon prétend même qu’avant le déluge de Deucalion ces diverses élévations n’en formaient qu’une seule, et que ce fut un tremblement de terre qui opéra leur séparation. Cette suppo¬ sition ne nous semble admissible qu’en ce qui touche le rocher de l’Aréo¬ page, qui n’est séparé de celui de l’Acropole que par une très -étroite vallée et dont la constitution géologique est d’ailleurs complètement identique.

Le rocher de l’Acropole, élevé de 154 mètres au-dessus du niveau de la plaine, est à pic et entièrement inabordable de trois côtés ^ ; au couchant seulement, en regard de l’Aréopage, il était moins abrupt, et avait été rendu sans doute encore plus accessible par la main de l’homme qui, à plusieurs époques, dut aussi aplanir le plateau qui le surmonte. Ce plateau, d’une surface cependant encore fort inégale, forme un poly¬ gone irrégulier s etendant de l’est à l’ouest, sur une longueur d’environ 300 mètres, tandis que la plus grande largeur du nord au sud n’est que de 135 mètres. Le développement de l’enceinte dépasse 800 mètres.

Acropole fut le berceau d’Athènes; ce fut sur ce rocher, si favorable à la défense, gue Cécrops vint s’établir avec la colonie égyptienne qu’il amenait de Sais, la capitale du Delta, et qu’il fonda une ville à laquelle il donna son propre nom, celui de Cecropia, et aus^i le nom égyptien d'Asty^. Bientôt, à Athènes, comme vingt siècles plus tard dans toute l’Europe du moyen âge, la ville habitée descendit dans la plaine, et la ville haute, l’Acropole, ne fut plus qu’une citadelle qui ici, par exception, resta en même temps le sanctuaire le plus vénéré. Ce fut sous Thésée seulement (1350 à 1300 avant Jésus-Christ) que cette révolution fut définitivement consommée, et que toute habitation particulière disparut de l’enceinte de l’Acropole. C’est aussi que Cécrops avait fondé le premier temple consacré à la vierge victorieuse, à la divinité égyptienne Neth o\\ Netha dont les Grecs, par inversion, firent Athen, et qui fut

1. « La citadelle a’a qu’une seule entrée, tous les autres côtés étant très-escarpés ou fortifiés de

murs. ))

Pausanias. Attic.

2. « Ce que l’on appelle proprement AXTV est un rocher qu’environnent les maisons de la ville assises dans la plaine. C’est sur ce rocher que s’offre l’enceinte consacrée à Minerve, contenant l’ancienne chapelle de Minerve Poliade, brûle une lampe qui ne s’éteint jamais, et le Parthénon bâti par Ictinus, se voit la statue en ivoire de la déesse, travaillée par Phidias. »

Strabon. Géogr. L. IX.

ACROPOLE.

4r

adoptée par les Romains sous le nom de Minerve ^ Plus tard, les Athé¬ niens repoussèrent cette origine étrangère, et pour eux-mêmes et pour leur divinité ; si Diodore, Théopompe, Pausanias, Hérodote et autres his¬ toriens persistèrent à soutenir l’authenticité de la tradition primitive , il ne manqua pas d’écrivains qui s’efforcèrent de prouver que Cécrops était Grec, et même que Sais avait été, au contraire, fondée après Athènes par une colonie grecque qui y avait introduit le culte de Minerve. C’est alors que fut inventée cette fable poétique de la lutte de Minerve et de Neptune, se disputant l’honneur de nommer et de protéger la ville naissante

Dispute de Neptune et de Minerve, d'après un vase italo-grec.

La première fortification de l’Acropole ne fut qu’une enceinte formée de pièces de bois, entrelacées avec les oliviers sauvages qui couvraient alors les flancs de la colline.

1. « Minerve avait à Sais un temple révéré dans lequel on ensevelissait les rois d’Égypte, de même

que Cécrops et Érechthée furent ensevelis^ contre l’usage général de la Grèce, dans le sanctuaire de Minerve Poliade. » Beucé. Acrop. C. I,

2. « Neptune vint donc le premier dans l’Attique, et, ayant frappé le sol de son trident, fit jaillir au milieu de l’Acropole la mer (le flot ou la source salée) que l’on nomme Èrechthéide. Après lui vint Minerve , qui fit naître l’olivier. Un débat s’étant élevé entre ces deux divinités au sujet du

12 AT NE S.

Enceinte pélasgique. Vers l’an ilOO avant Jésus-Christ, moins d’un siècle après la prise de Troie, des Pélasges venus de la Béotie selon la plupart des historiens, de la Sicile si l’on en croit Pausanias, ayant trouvé un asile dans l’Attique, payèrent cette hospitalité en aplanissant le pla¬ teau de l’Acropole, en l’entourant d’une de ces murailles cjui ont rendu leur nom célèbre dans l’Italie comme en Grèce, et en défendant le côté accessible de la citadelle par une suite de travaux avancés, dont les neuf portes valurent à leur ensemble la désignation à' Ennéapyle. Pau¬ sanias nous a conservé les noms d’ Agrolas et d’Hyperbius, architectes qui présidèrent à cette entreprise^. Les Athéniens, après leur avoir concédé, comme récompense de cet important service, les terres comprises entre l’Acropole et la base du mont Hymette, en vinrent plus tard à craindre

pays, Jupiter les fit transiger et leur donna pour juges les douze dieux. Ceux-ci prononcèrent et l’Attique fut adjugée à Minerve; la ville s’appela donc Athènes du nom de Minerve. »

Apoi.i.odoiip;. III. li.

Cecropia P allas scopulum Mavortis in aree Pinyü et antUpmm de terrœ nomine lüem.

Bis sex eœlesles, medio Jove, sedibus al lis Aujusla (jravitale sedenl; sua quemque deonmt Inscribil fades : Jovis est reyalis imago.

Slave deum pelagi, longoque ferire tridenle Aspera saxa facit, medioguc e xmlnere saxi Exsiluisse frctum, quo pigtiorc vindicet urhem.

Al sibi dal dgpemi, dal acutœ cuspidis haslam;

Dal galeam cajuti; defendilur œgide pectus :

Pereussamque sua simulai de cuspide lerram Prodere curn baeds fœlum canentis olivœ ;

Mirarique Deos : opevi viclovia finis.

Ovide. Mélam. L. VI, v. 09.

« Minerve peint (sitr sa tapisserie) le rocher de Mars, dans la citadelle de Cécrops, et l’anticjue lutte pour le nom du pays. Les douze dieux, assis autour de Jupiter sur des sièges élevés, brillent d une auguste majesté. Chacun d’eux se fait reconnaître à ses traits, mais la grandeur royale rayonne au front de Jupiter. Le dieu des mers est debout; il frappe de son long trident le dur rocher, et, de son sein entr’ouvert faisant jaillir une mer, revendique l’empire de la contrée. La déesse se repré¬ sente elle-même armée de son bouclier et de sa lance à la pointe acérée; elle met un casque sur sa tête, couvre sa poitrine de l’égide; elle frappe la terre de sa lance et en fait sortir l’olivier avec ses fruits et son pale feuillage. Les dieux sont transportés d’admiration, et la victoire de Minerve cou¬ ronne son oeuvre. »

Les premiers mots d’Ovide renferment une erreur manifeste, puisqu’il place la colline de Mars (l’Aréopage) dans l’enceinte de l’Acropole.

1. « Les murs de la citadelle, excepté la partie que Cimon, fils de Miltiade, a fait construire, sont 1 ouvrage des Pélasges qui demeuraient jadis au-dessous de la citadelle; ils se nommaient, dit-on, Agrolas et Hyperbius; j’ai voulu savoir qui ils étaient, mais je n’ai pu apprendre autre chose, si ce n est que, Siciliens d origine, ils étaient allés s’établir dans l’Acarnanie. »

Paisamas. Allie. C. XXVUI.

ENCEINTE DE L’AGIIOEÜLE.

13

leurs hôtes, dont la population toujours croissante, dont la richesse, fruit de leur industrie, commencèrent à leur porter ombrage. Ils les accusèrent d’avoir commis, envers de jeunes Athéniennes, près la fontaine Ennéacrounos , un crime qui ne fut jamais bien prouvé; ils leur suppo¬ sèrent, sans plus de certitude, l’intention de se rendre maîtres d’Athènes, et ils les chassèrent de ces terres qu’ils avaient reçues incultes et stériles et qu’ils laissaient défrichées et fertiles^. « Mais les dieux eux-mêmes semblèrent punir leur ingratitude et leur mauvaise foi en rendant inutiles contre l’ennemi ces murs, ouvrages de leurs victimes, et en les faisant servir aux projets des ambitieux contre leur liberté. Cylon , Pisistrate, Isagoras, commencèrent par se saisir de l’Acropole, lorsqu’ils voulurent se faire tyrans de leur patrie , tous trois , il est vrai , avec un succès bien différent. Lorsqu’au contraire Xerxès en fit le siège, Mtnerve chercha en vain à fléchir, par ses prières, Jupiter vengeur de l’hospitalité 2. »

Lorsc^u’en l’an 480 les Perses, repoussés dans plusieurs assauts par quelques vieillards, cjaelques prêtres, quelques citoyens enfermés dans la citadelle sur la foi d’un oracle^ mal interprété, pendant que les guer¬ riers niontés sur les navires se préparaient à la victoire de Salamine, lorsque les Perses, dis-je, furent parvenus à pénétrer par un point qu’on avait négligé de défendre, ils mirent les temples au pillage, et tous les monuments de l’Acropole devinrent la proie des flammes^. Après la fuite

1. Les Athéniens frappèrent même d’anathème le lieu les Pélasgos avaient demeuré, et défen¬ dirent, sous les peines les plus sévères, de jamais bâtir ou semer en cet endroit. Cette prohibition paraît avoir subsisté jusqu’à la guerre du Péloponèse. A cette époque, les habitants de l’Attique ayant été forcés de se réfugier tous à Athènes, « il n’y eut pas, dit Thucydide (L. II, § 18), jusqu’au lieu appelé Pelasgicon, au-dessous de l’Acropole, qui ne fût occupé, vu l’urgence du moment; et cependant ce lieu était maudit, et il était défendu de l’habiter. La fin d’un vers de la Pythie l’inter¬ disait même en ces termes ; Il vaut mieux que le Pelasgicon soit désert. »

2. Belle. Acrop, C. L

3. Suivant cet oracle, le salut dos Athéniens était derrière des murailles de bois. Thémistocle fit comprendre à la majorité que, par ces mots, l’oracle désignait la flotte, mais quelques-uns s’obsti¬ nèrent à rester dans l’Acropole en ajoutant à ses murailles des palissades de bois. Voici quelles avaient été les paroles de l’oracle de Delphes : « Quand l’ennemi se sera emparé de tout ce que renferme le pays de Cécrops et des antres du sacré Cithéron, Jupiter, qui voit tout, accorde à Pallas une muraille de bois qui seule ne pourra être prise ni détruite; vous y trouverez votre salut, vous et vos enfants. « (Hérodote, L. VII, c. 141.) La destruction d’Athènes avait déjà été prédite à la première nouvelle de l’expédition des Perses par un autre oracle de la Pythie : « Athènes, avait-elle dit, sera détruite de fond en comble, tout sera renversé, tout sera la proie des flammes; et le redoutable Mars, monté sur un char syrien, ruinera vos tours et vos forteresses. » Id. L. VU, c. 140.

4. Dans une expédition des Ioniens contre les Lydiens, « le temple de Cybèle, déesse du pays, avait

<4 ATHÈNES.

honteuse de Xerxès, les Athéniens, revenus dans leur patrie, n’avaient pas encore commencé à réparer leurs désastres, quand ils furent forcés de l’abandonner de nouveau. Les Perses, commandés par Mardonius, devenus, dix mois après, une seconde fois maîtres d’Athènes déserte, complétèrent les dévastations commencées par Xerxès, « et, dit Hérodote, lorsque Mardonius sortit d’Athènes, il y mit le feu et fit abattre tout ce qui subsistait encore, murs et édifices, tant sacrés que profanes L » Il est vrai qu’Hérodote semble lui-même se contredire lorsqu’il dit ailleurs que, de son temps (vers 460 avant Jésus-Christ), on voyait encore les fers dont les Athéniens avaient chargé les prisonniers chalcidiens et béo¬ tiens, suspendus aux murailles de l’Acropole, en partie brtilées par les Mèdes^. Quoi qu il en soit, il est certain que ce fut à l’époque de la guerre médique que disparurent presque entièrement les murailles de l’Acropole, ouvrage des Pélasges.

Enceinte de ruÉMiSTOCLE et de Cimon. Dès que les Barbares eurent évacué l’Attique, les Athéniens se disposèrent à relever leur ville et leurs murailles. Les Lacédémoniens et leurs alliés du Péloponèse, jaloux du rôle brillant qu’Athènes avait joué dans la guerre des Perses, virent avec peine cette détermination, et envoyèrent une ambassade pour engager les Athéniens à renoncer à leur entreprise. Ceux-ci ne donnèrent d’abord (jue des réponses évasives, puis Thémistocle demanda à être envoyé lui-même en ambassade à Sparte pour en conférer, et avant de partir il

été consumé avec la ville de Sardeâ, et cet incendie servit dans la suite de prétexte aux Perses pour mettre le feu aux temples de la Grèce. » Hébodote. L. V, c. 102.

« Les Barbares, tombant sur l’Attique, dévastèrent la campagne, renversèrent Athènes de fond en comble et li VI ei eut aux flammes les temples des dieux. » Diooobe de Sicn.E, L. XI, ^ II

(I Ne pouvant rien contre les hommes avec le fer, Xerxès s’en prit aux édifices avec le feu. »

JUSTIX. L,. 11 , C. VI.

^ « Les Perses sont réservés aux dernières infortunes, digne prix de leur insolence et de leurs sacri¬ lèges desseins. Ils n’ont pas craint, dans cette Grèce envahie, de dépouiller les dieux, d’incendier leurs temples. Les autels sont détruits; les statues ont été arrachées de leurs hases et brisées en Eschyi.e. Les Perses.

« Quant au héraut qui estoit venu de la part de Mardonius, Aristides lui monstra le soleil et lui dit: Tât que cest astre tournera à l’entour du monde, les Athéniens seront mortels ennemis des Perses, pource qu’ils leur ont destruit et gastc leur pais et qu’ils ont poilu et bruslé les temples de leurs dieux. » Peutarque. Aristides.

1. Hérodote. L. IX, c. 13.

2. Id.

L. V, c. 77.

Ex\CElNTJi DE L’ACROEOLE. 15

traça aux Athéniens la marche à suivre pour mener à bonne fin la ruse qu’il avait imaginée. « On devait ensuite, dit Thucydide^, lui choisir des collègues; mais au lieu de les faire partir sur-le-champ, on devait les retenir jusqu’à ce que la muraille eût atteint la hauteur strictement nécessaire pour la défense. Tout ce qu’il y avait d’habitants dans la ville, hommes, femmes, enfants, devait se mettre au travail, sans épar¬ gner ni édifices publics, ni maisons particulières; tout ce qui pouvait offrir quelque utilité pour la construction du mur devait être démoli. » Cependant Thémistocle, amusant les Lacédémoniens par de belles paroles, parvenait à gagner du temps; le bruit des travaux exécutés à Athènes étant arrivé à leurs oreilles, il leur persuadait d’envoyer véri¬ fier le fait par des délégués que les Athéniens, à leur tour, retenaient sous divers prétextes et dont ils se faisaient des otages pour garantir la sûreté de leur ambassadeur 2. « C’est ainsi, ajoute Thucydide, que les Athéniens fortifièrent leur ville en peu de temps; aussi reconnaît-on, aujourd’hui encore, que les constructions furent élevées à la hâte; les fondements sont formés de pierres non appareillées, souvent tout à fait brutes et jetées au hasard, comme on les apportait; on trouve même des cippes funéraires efi des sculptures mêlés à la maçonnerie^. »

1. L. I, yo.

2. 11 essaya incontinent de rebastir la ville et les murailles d’Athènes, en corrompant par argent les officiers (éphores) de Lacédémone, afin qu’ils ne lui donnassent point d’empescliement à ce faire, ainsi comme escrit Theopompus ; ou, comme tous les autres disent, en les ayant abusez par vne telle finesse : il s’en alla à Sparte, comme ambassadeur despéché exprès sur ce que ceux de Lacédémone se plaignoyent que les Athéniens renfermoyent leur ville de murailles, et les en accusoit enuers le côseil de Sparte vn orateur nommé Polyarchus, y ayant expressément esté enuoyé pour ce fait par les Æginètes. Thémistoclcs leur nia fort et ferme, et leur dit que, pour s’en informer à la vérité, ils enuoyassept de leurs gens sur les lieux, voulant par ce delai gagner tousiours autât de temps au parachèvement des murailles, et aussi que les Athéniens retinssent pour ostages de la seureté de sa personne ceux qui seroyêt enuoyez à Athènes pour en faire le rapport : comme il auint. »

Plütauque. Thémistocle.

« Thémistocle trompa les Lacédémoniens de la manière suivante. Il arriva à Lacédémone en qualité d’amhassadeur, et nia qu’on relevât les murs. Si vous ne me croyez pas, dit-il, envoyez les citoyens les plus distingués d’entre vous pour s’assurer du fait et retenez-moi. Les envoyés lacédémoniens partirent et Thémistocle donna scci'ètement l’ordre aux Athéniens de les retenir jusqu’à ce que les murailles fussent relevées; après quoi ils ne devaient les laisser aller que lorsqu’il serait lui-même de retour. La chose se passa comme Thémistocle l’avait dit ; les murailles furent relevées; Thémis¬ tocle revint à Athènes, et les envoyés de Sparte furent rendus. » Polyen. Stratag. 1 , 30.

Cf. Diodore de Sicile. L. XI, §§ 39 et 40. Cornélius Népos, Thémistocle, 6 et 7. Justin. L. II, c. 14. Frontin. Stratag. L. I, 10.

3. L. I, 93.

15

ATHÈNES.

Cimon, à son tour, entreprit de compléter ou de remplacer les mu¬ railles qui venaient d’être élevées à la hâte; il put alors construire à loisir et avec soin le rempart méridional de l’Acropole, et sans doute il eût terminé l’enceinte entière si le temps ne lui eût manqué. « Cimon, dit Plutarque , avait acquis honorablement une grande fortune sur les Barbares et l’employa plus honorablement encore^. » Et en effet ses propres richesses ne contribuèrent pas moins que le trésor de l’Etat aux grands travaux qui furent exécutés sous son administration.

En /j05, à la fin de la guerre du Péloponèse , Lysandre, maître d’Athènes, en fit démolir les fortifications, et ce fut sans doute à cette époque que furent détruites les parties de l’Ennéapyle épargnées sous Périclès, lors de la construction des Propylées.

Murailles de Conon. Enfin, les murailles d’Athènes et celles de l’Acropole furent relevées ou réparées encore une fois par Conon dans la première année de la 97® olympiade (392 avant Jésus- Christ) .

Lorsqu’en l’an 87 avant Jésus-Christ Sylla s’empara d’Athènes, il fit démanteler l’entrée de la citadelle 2. Nous dirons plus tard comment elle fut remplacée à la hâte sous Yalérien, lorsque l’Orient se vit menacé par les premières invasions des Goths.

Enceinte de l’Acropole au moyen âge. Les murailles en partie rui¬ nées furent plusieurs fois restaurées par les seigneurs d’Athènes, français

1. « C’est, dit ailleurs le meme historien, avec le produit de son expédition contre les Perses qu’on

bâtit notamment la muraille de l’Acropole qui regarde le midi. » Vie de Cimon.

2. Les historiens latins ne sont guère d’accord sur le rôle que les Athéniens jouèrent dans cette guerre :

(( Vainqueur des généraux de Mithridate, dans l’Attique, la Béotic et la Macédoine, Sylla reprit Athènes, détruisit à grand’peine les fortifications du Pirée, tua plus de deux cent mille ennemis, et en prit un pareil nombre. Ce serait ignorer Thistoire et la vérité de croire qu’Athènes était révoltée contre nous lorsque Sylla en fit le siège. Les Athéniens se sont toujours conduits à notre égard avec une fidélité si inaltérable que la foi attique était passée en proverbe à Rome pour exj)riinor une fidélité à toute épreuve. Au reste, accablés sous la puissance de Mithridate, les Athéniens avaient le double malheur de voir leur ville occupée par leurs ennemis et assiégée par leurs amis. Leurs affections étaient hors des murs la nécessité les retenait captifs. »

Vecueios Pateuculus. Hist. rom. L. II, c. 23.

» Sylla fait d’abord le siège d’Athènes; il la presse par la famine, et, qui le croirait? il réduit cette ville, la mère des moissons, à se nourrir de chair humaine. Il ruine bientôt le port du Pirée, renverse plus de six enceintes de murailles, et, après avoir dompté les plus ingrats des hommes (c’est ainsi qu’il appelait les Athéniens), il leur pardonne cependant en considération de leurs ancêtres, de leurs cérémonies sacrées et de leur célébrité. »

Florüs. Hist. rom. L. III, c. G.

ENCEINTE DE L’ACROPOLE.

17

OU florentins , mais de nouveaux travaux de défense furent rendus indis¬ pensables par l’invention de l’artillerie, et lorsqu’en j/i56 Mahomet 11 se fut emparé de la ville et de la citadelle, il dut protéger celle-ci, surtout du côté de l’ouest que commandait la colline de Musée, et il éleva alors cet énorme bastion sous lequel, à ili mètres de profondeur, M. Beulé a su retrouver l’entrée antique. Depuis lors enfin, des restau¬ rations plus ou moins grossières, des additions plus ou moins considé¬ rables, ont eu lieu, surtout à l’occasion du siège de l’Acropole par les Vénitiens en 1687, et aussi à l’époque de la guerre de l’indépendance, lorsque les Grecs et les Turcs s’y assiégèrent tour à tour.

L’enceinte de l’Acropole suivait les inégalités du rocher, ce qui fait que si sa partie supérieure était à peu près horizontale, la hauteur de la muraille n’en était pas moins très-variée.

Mur de Cimon. Le mur du midi, Notium (de Notoç, sud), ou Cimonium, c|ui se composait de deux lignes à peu près droites (Pl. PL AB et B G), a disparu en grande partie sous les reconstructions turques. A l’intérieur, près des brèches, on en voit encore quelques traces, mais le fragment le mieux conservé , et resté presque vierge de toute restauration , est celui qui forme extérieurement l’angle sud-est de l’enceinte^. Quelques pierres seulement ont éclaté sous le choc des boulets. Les assises sont en retraite l’une sur l’autre d’environ 0"‘,02, ce qui donne à la muraille une incli¬ naison légèrement pyramidale. L’appareil n’est pas très -grand et les pierres les plus longues n’atteignent pas un mètre. G’est au pied de cette muraille que se trouvent les deux théâtres, le portique d’Eumènes, et le monument choragique de Thrasyllus.

Le mur oriental (Pl. PL CD) a été reconstruit en entier à l’extérieur; mais à l’intérieur, au pied du Belvédère situé à l’angle nord-est (Pl.PL D) de l’esplanade, on reconnaît à fleur de terre cinq assises de fondat'ons de plus de 3 mètres d’épaisseur, qui peut-être ont appartenu à la muraille antique. Sous le rempart oriental s’ouvre une vaste grotte, effrayante par ses éboulements qui ont couvert de blocs et de débris tout le flanc du rocher.

Mlr de Tuémistocle. Le rempart du nord (Pl. PL DGI), composé d’une longue ligne brisée formant de nombreux angles saillants ou ren-

1. Voy. la lettre en tète du chapitre.

■O

ATHENES

18

trants, et faisant face à la partie la plus considérable de la ville moderne, avait conservé le nom de muraille pélasgique, même après sa destruc¬ tion par les Perses « qui, dit Diodore de Sicile^, ne laissèrent pas pierre sur pierre à Athènes. » Il ne faudrait pas prendre l’assertion de l’his¬ torien complètement à la lettre. Nous signalerons dans l’intérieur de l’Acropole, non loin des Propylées, un reste de construction cyclo- péenne à polygones irréguliers; et dans le côté de l’enceinte qui nous occupe en ce moment (Pl. P*. E), au-dessous de la petite maison servant de musée dans l’Acropole, et au-dessus d'une petite grotte creusée dans le roc, nous croyons retrouver un reste considérable de la muraille pélas¬ gique. Les blocs sont de très-grand appareil, à joints verticaux et assez bien parementés, mais les assises sont de hauteur inégale. Il en est de même de la longueur des blocs qui est très-variable, de sorte que rare¬ ment les joints des assises supérieures tombent au milieu des blocs des assises inférieures, et que quelquefois plusieurs joints descendent sur une même assise^.

Mur pélasgique*

Plus à l’ouest (Pl. l'\ F), on voit un très-curieux fragment de la muraille reconstruite à la hâte pendant l’ambassade de Thémistocle à

1. L. XI, c. 28.

2. Il est une remarque singulière, mais que les faits confirment et qui appartient à M. Blouet, l’habile architecte auquel on doit la plus grande partie des travaux publiés dans le grand ouvrage de ï Expédition scientifique de Morée; c’est que, dans les temps les plus reculés, on a employé le système d’appareil par assises horizontales et joints verticaux, et qu’on est ensuite revenu à un autre mode de construction moins régulier et plus élémentaire en apparence, lequel pourtant a souvent passé pour avoir précédé le premier.

ENCEINTE DE L’ACROPOLE.

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Sparte. Des tambours de colonnes, les uns lisses, les autres dont la can¬ nelure est seulement commencée^, d’autres enfin conservant encore les tenons réservés par l’ouvrier pour faciliter leur mise en place, ont été employés comme matériaux. On en trouve d’abord, à gauche, quatorze disposés deux par deux, à deux niveaux différents, puis huit seuls sur une même ligne. A un angle saillant de la muraille (Pl. V\ G), se trou¬ vent deux autres tambours superposés-.

Mur de Thémistocle.

Continuant à marcher vers l’ouest, au-dessus de la grotte d’Aglaure (Pl. F®. H), on avait employé également comme matériaux deux fragments d’un ancien entablement dorique, ayant peut-être appartenu au vieux Parthénon, fondé probablement par Pisistrate et détruit par Xerxès^. Le fragment principal est une longue portion d’entablement, composée d’une architrave, d’une frise et d’un reste de corniche. La frise conserve encore cinq tri gly plies ^ de pierre, séparés par des métopes lisses de

1. On sait que chez les Grecs, afin d’éviter les accidents qui pouvaient arriver pendant la construc¬ tion d’un édifice, ce fut un usage constant de ne canneler les colonnes que lorsqu’elles étaient en place. Les cannelures étaient seulement indiquées en haut et en has du fût, dont toute la partie intermédiaire restait comme enveloppée dans une gaine que l’achèvement de la colonne faisait dispa¬ raître. Tel est l’état dans lequel se pi’ésente le temple entier de Sélinonte, en Sicile.

2. A Pompéi, l’angle sud-ouest du mur du périhole du temple de Vénus est construit de même en partie de tronçons de colonnes provenant d’édifices plus anciens. Ce mur, comme celui d’Athènes, avait été relevé à la hâte après avoir été renversé par le tremblement de terre de l’an 63.

3. Voy. la vignette à la fin du chapitre.

4. Triglyphes, TpiY)voçoi, de vpeîç, trois, et graver, ornement caractéristique de la frise

dorique, ainsi nommé parce qu’il présente trois canaux parallèles gravés en creux. Les triglyphes représentent l’extrémité des solives qui faisaient saillie au-dessous du toit, dans la cahane, type primitif du temple grec. Dans le principe ils laissaient entre eux des espaces vides, témoin ce passage d’Euripide : « J’ai échappé au fer meurtrier des Argiens, et je fuis avec la chaussure phrygienne, en traversant les lambris de cèdre de la chambre nuptiale et les triglyphes doriques. » (Oreste). Plus tard, ces vides furent remplis et devinrent les métopes, p.£xÔ7îat, metopæ, qui souvent furent décorées de sculptures.

20

ATHÈNES.

marbre blanc qui avaient été insérées à coulisses par le même procédé que nous verrons plus tard avoir été employé également au Parthénon. La corniche fort simple est en pierre comme les triglyphes.

L’autre fragment, placé dans la construction à quelque distance du premier, n’est composé que de deux triglyphes.

Tel se présente dans son ensemble le mur de Thémistoclè, s’élevant au-dessus des rochers de Cécrops, Kex,po7uiaç irsTpaç, des longs rochers, ptazpàç TTÉTpaç, comme les appelaient les Grecs. Son irrégularité même, expliquée par les témoignages de l’histoire , le rend la partie la plus intéressante de l’enceinte de l’Acropole.

Müii DE Conon. Une faible portion paraît avoir été refaite plus tard, avec le soin et la précision qui caractérisaient les plus parfaites con¬ structions helléniques; elle n’est visible qu’à l’intérieur de l’Acropole, près de l’Erechthéion ; elle est formée de blocs de moyenne dimension, taillés avec la plus parfaite régularité, superposés pleins sur joints, et présentant sur tous ces joints une sorte de gorge étroite, une bande en creux qui la garantissait de tout choc, en encadrant chaque bloc dont la surface plane et légèrement saillante se trouvait former une sorte de bossage qui à la fois présentait plus de résistance, et, comme dit M. Beulé, « une réminiscence du puissant bossage qu’aimaient les âges les plus reculés. »

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II

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II

Fragment de la muraille de Conon.

Cette construction dilférant de celle de la muraille de Cimon, nous pensons qu’elle a appartenir au commencement du iv® siècle avant Jésus-Christ, et faire partie de la restauration exécutée alors par Conon 2.

1. Cette différence de matériaux a fait croire à Hermann Hettner {Athen und der Pelopones) que dans l’ancien Parthénon les métopes étaient encore ouvertes, et que c’est seulement lorsque ce frag¬ ment de frise fut employé par Thémistoclè, qu’on les ferma par des plaques de marbre. Le savant allemand eût évité cette erreur par un simple rapprochement avec les métopes du Parthénon de Périclès.

2. « Conon (après le combat naval de Gnide) revint dans sa patrie avec une partie des vaisseaux, fit relever à la fois les murs d’Athènes et ceux du Pirée, détruits par Lysandre. »

Cornélius Népos. Conon, 4.

« Conon prend le chemin d’Athènes il est reçu avec des transports de joie. Le plaisir de

ENTRÉE DE L’ACROPOLE.

•21

Nous sommes d’autant plus porté à le croire, c^ue nous retrouverons exactement le même appareil aux deux tours cjui, à l’occident, accom¬ pagnent l’entrée de l’Acropole, et que, selon toute apparence, ces tours sont l’œuvre de Conon.

Ce ne peut être que faute d’un examen suffisant, que le savant auteur de V Acropole d’Athènes a pu attribuer à la même époque un autre frag¬ ment de muraille, qui se voit également à l’intérieur de l’Acropole, mais plus à l’est (Pl. !'■% E), derrière une casemate turque. Cette muraille, qui est le revers de celle que nous avons déjà signalée comme un reste de la construction pélasgique, est d’un tout autre appareil.

Entrée de l’Acropole. Nous arrivons enfin au côté occidental de l’Acropole, le seul accessible, et celui de tout temps se trouva son entrée (Pl. P^ K). Cette entrée avait disparu, et en 1852 encore, comme au temps de l’expédition des Français en Morée, ce côté ne présentait qu’un énorme bastion sans aucune ouverture, et à droite, vers l’angle sud-ouest, une petite porte moderne percée dans un massif de con¬ struction turcjue et conduisant à une porte (Pl. P^ a) percée dans la muraille du sud. Avant d’arriver à cette porte, on laisse à droite un espace qui surmonte l’Odéon. Legrand vit encore en cet endroit les ruines d’une mosquée, qui avait remplacer l’ancien temple d’Escu- lape, mentionné par Pausanias C’est encore par ce chemin qu’on pénètre aujourd’hui dans l’Acropole; nous verrons qu’il suit le tracé du passage réservé dans l’antiquité aux animaux destinés aux sacrifices.

En 1852, par l’examen des lieux et l’étude approfondie des textes, M. Beulé , alors élève de l’Ecole de France à Athènes, fut amené à penser qu’il était impossible qu’un monument magnifique, tel que les Propylées, eût fait face à un simple rempart qui le masquait entière¬ ment, et n’eût été accessible que par un chemin détourné. C’était dans l’axe des Propylées qu’avait exister une entrée conciliant les besoins de la défense et la nécessité de permettre à l’œil d’embrasser dès l’abord le chef-d’œuvre de Mnésiclès; mais une question restait à résoudre :

rentrer dans son pays, après tant d’années d’exil, lui fut toutefois moins sensible que la douleur d’avoir vu Athènes brûlée et détruite par les Spartiates. Aussi répara-t-il les ravages du fer et du feu avec les dépouilles de l’ennemi et par la main des Perses. » Justix. L. VI, c. 5.

1 . « Le temple d’Esculape mérite d’être vu à cause des statues du dieu, de ses enfants et des pein¬ tures dont il est orné. Il renferme la fontaine près de laquelle Ualirrbotius, fils de Neptune, fut tué par le dieu Mars. » Pai satvias. Alt., c. XXL

22

ATHÈNES.

l’entrée antique existait-elle encore sous les fortifications modernes? en avait-elle même jamais occupé l’emplacement, ou s’était-elle éltevée en avant, ayant depuis longtemps disparu ? Des fouilles seules potuvaient donner la solution de ce problème; elles furent commencées par M. Beulé au printemps de la même année C’était à tort qu’avant M. Beulé on avait cru devoir chercher l’entrée de l’Acropole ailleurs que dans l’axe des Propylées. « Le plan des Propylées, dit M. Guigniaut^, la forme des terrains et des rochers, le caractère même du génie grec visant à l’har¬ monie dans ses créations, indiquaient à l’avance que le grand escalier devait descendre à l’occident vers la plaine, et non pas s’arrêter au pied du temple de la Victoire sans ailes , sur le rocher du midi. Ce n’est toutefois qu’après avoir rouvert la tranchée pratiquée autrefois de ce côté par feu Titeux^, et s’être assuré qu’il avait fait fausse route aussi bien que son successeur, que M. Beulé a entrepris sa première fouille, précisément dans l’axe de la porte principale des Propylées, espérant trouver ainsi du même coup le mur d’enceinte, la porte d’entrée, le grand escalier et la continuation , s’il se continuait , du chemin creux qui le sépare en deux moitiés. Après avoir défoncé le bastion moderne sur sa longueur qui est de 68 pieds, après s’être avancé dans les profondeurs du sol exhaussé de près de 30 pieds, et à travers les constructions diverses des âges successifs jusqu’aux murailles byzantines, il a enfin découvert la partie inférieure de l’escalier à lii pieds en avant du temple de la Victoire. »

(( Il faut donc, bon gré mal gré, ajoute M. Guigniaut, renoncer à cette hypothèse gratuite qui, terminant l’escalier un peu en avant du temple de la Victoire, cherchait la porte d’entrée de la citadelle sur son flanc droit et en faisait une sorte de porte dérobée complètement indigne

1. Dans son excellent ouvrage sur l’Acropole d’Athènes, M. Beulé, par une modestie louable sans doute, mais regrettable, n’a pas cru devoir donner l’bistorique de sa précieuse découverte; mais on trouvera dans le IIP volume des Archives des Afissions scientifiques les rapports qu’il avait adressés alors au ministre de l’instruction publique, ainsi que ceux faits à cette occasion par M. Guigniaut.

2. Rapport fait le 12 novembre 1852, à l’Académie des inscriptions, sur les travaux des membres de l’École d’Athènes. {Archives des Missions scientifiques. T. III, p. 267.)

3. M. Titeux, architecte, pensionnaire de l’École de Rome, en étudiant les Propylées, avait voulu rechercher l’escalier qu’il avait bien pensé aussi devoir les précéder. Il avait fait ouvrir une tran¬ chée en avant du soubassement du temple de la Victoire Aptère; mais, n’ayant rencontré que le rocber, il avait renoncé à des fouilles qui furent reprises au même lieu et sans plus de succès par M. Desbuisson. Les traces de ces travaux ont été effacées par les fouilles de M. Beulé.

ENTRÉE DE L’AGROPOLE.

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de la majesté des Propylées, complètement en désaccord avec leur plan et leur orientation. »

Ce fut au mois de juillet 1852 que M. Beulé envoya à l’Académie un mémoire^ qui fit connaître le résultat de ses premières fouilles. Au mois d’août, sur un rapport de l’Académie, un crédit de û,000 francs ^ lui fut alloué pour continuer les fouilles aux frais du gouvernement fran¬ çais. A l’aide de cette subvention, les travaux furent repris le 18 octobre 1852 ; ils occupèrent tout l’hiver de 1852-1853, et, au printemps de cette dernière année, ils étaient terminés; M. Beulé put dès lors faire placer la grille et auprès d’elle l’inscription constatant sa précieuse découverte. Un nouveau crédit de 1,000 francs avait été accordé avant l’achève¬ ment des travaux, en prévision de la nécessité de reconstruire la partie inférieure du grand escalier; cette partie ayant été retrouvée presque entière , ce crédit devint inutile et l’argent fut restitué par M. Beulé.

L’Ennéapyle ou l’entrée aux neuf portes successives, construite par les Pélasges, avait subir déjà quelques modifications, d’abord lors de la destruction des monuments de l’Acropole par Xerxès et Mardonius, et de la restauration de l’enceinte par Thémistocle et Cimon, puis lors de la construction des Propylées sous Périclès. Il est probable que le plan adopté à cette époque ne dut guère s’éloigner de celui que nous voyons aujourd’hui. Lorsque, après la guerre désastreuse du Péloponèse, Lysandre renversa les murailles d’Athènes au son des instruments de musique qui célébraient la gloire de Sparte et la honte des vaincus, il paraît avoir à peu près respecté l’enceinte de l’Acropole, et probablement il se contenta de détruire les fortifications qui, du seul cpté accessible, protégeaient la citadelle. Conon, en relevant les murailles d’Athènes au commencement du iv* siècle avant Jésus-Christ, ne pouvait manquer de commencer par rétablir l’entrée de l’Acropole et la remettre en état de défense. C’est donc à lui qu’avec toute vraisemblance nous croyons pouvoir, ainsi que l’a fait M. Beulé, attribuer la construction des deux tours que ses fouilles ont mises à découvert. Conon, probablement, imita la porte qui avait été élevée par Périclès en même temps que les Pro-

1. On doit regretter que ce premier mémoire n’ait point été publié, non plus que les dessins de M. Garnier qui l’accompagnaient.

2. 1,200 francs par le ministère de l’instruction publique, et 2,800 francs par le ministère de l’intérieur, section des beaux-arts.

ATHÈNES.

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pylées, et dont le souvenir était trop récent encore pour s’être effacé. Alors, comme aujourd’hui, les deux tours étaient réunies par une mu¬ raille en retraite dans laquelle s’ouvrait la porte Telle était l’entrée de l’Acropole au moment Sylla s’empara d’Athènes, mettant fin à son indépendance et à son existence politique. Rasant à 3 mètres environ du sol les deux tours qui accompagnaient la porte, il détruisit la porte elle- même et la muraille dans laquelle elle était ménagée; et pendant toute la longue période de la domination romaine, l’intervalle des deux tours ne fut plus fermé. Enfin, Valérien (253-260 après Jésus- Christ), crai¬ gnant l’invasion des Goths, voulut remettre l’Acropole en état de défense, et fit relever à la hâte la muraille et la porte que nous voyons aujour- d’hui^. Telles paraissent être les données les plus probables de l’histoire; voyons maintenant si elles sont confirmées par l’inspection du monument.

La porte A se trouve dans l’axe et à 36 mètres en avant des Propylées, dont le soubassement est à 15 mètres environ au-dessus du niveau du seuil. Le mur, haut lie 6'",7/|. et large de 7‘",20, dans lequel elle est percée, est composé, à l’exception de l’une des assises inférieures qui est de tuf, de blocs de marbre disposés par assises horizontales, mais de hauteur inégale. Les blocs tirés de divers monuments plus anciens sont grossièrement assem¬ blés et leurs joints ne sont pas toujours verticaux. Cependant une sorte d’intention décorative paraît avoir présidé à cette construction, souvenir lointain sans doute de celle qui l’avait précédée. Un bandeau de marbre noir d’Éleusis règne à 1™,65 du sol. La porte, à l’imitation des portes

1. A l’Acro-Corinthe, ou Acropole de Corinthe, une porte bien conservée, et appartenant à la plus parfaite construction hellénique, présente la môme disposition.

2, Voy. la vignette en tête du chapitre.

ENTRÉE DE L’ACROPOLE.

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doriques qui, elles-mêmes, avaient eu pour modèle la porte égyptienne, est plus étroite dans sa partie supérieure ; son chambranle est formé de deux pieds-droits, chacun d’un seul morceau de marbre portant un linteau de 2'", 80 de longueur. Ce linteau et ces pieds-droits proviennent, comme le reste de la muraille, d’édifices plus anciens, ainsi que l’indiquent des trous de scellement sans objet dans la nouvelle construction. La hauteur de la baie est de 3'", 87 ; sa largeur, dans la partie inférieure, est de i'",89, et dans sa partie supérieure de L",73 seulement. « Le seuil de la porte, dit M. Beulé, le dallage sur lequel il repose, les trous carrés les gonds s’engageaient, le conduit ménagé pour l’écoulement des eaux, tout s’est retrouvé ; il y avait même encore dans les trous des gonds du plomb qui avait servi à les assujettir. »

Le mur est surmonté d’une sorte d’entablement haut de 2'", 57, formé de pièces rapportées. « Ce soiiL en effet, ajoute M. Beulé, des entable¬ ments d’édifices doriques placés de la même manière que les débris du vieux Parthénon sur le mur de Thémistocle. Les architraves de marbre pentélique supportent une frise en pierre de tuf ; des métopes en marbre blanc ont été glissées dans les coulisses des triglyphes. Ce sont des pla¬ ques sans traces de sculptures ni de couleurs. Au-dessus de la frise, on a mis une corniche de marbre qui appartenait à un autre monument, car les mutules sont d’une proportion sensiblement plus petite et ne s’arran¬ gent point avec les triglyphes » Enfin, on a surmonté le tout d’un attique composé d’une espèce de seconde architrave terminée par une petite moulure très-peu saillante, en forme de corniche. Cette décoration pourrait bien être un lointain souvenir de la décoration primitive de l’en¬ trée de l’Acropole, et ce n’est pas sans vraisemblance que M. Beulé sup¬ pose que les tours elles-mêmes ont pu se terminer par une rangée de triglyphes, comme celle dont nous voyons encore que Mnésiclès avait couronné les murs des ailes des Propylées.

Tous les fragments qui ont servi à composer la muraille appartiennent à des époques différentes, et qu’il ne serait pas impossible de déterminer, approximativement pour quelques-uns , avec certitude pour quelques autres. En examinant les triglyphes de la frise, on leur trouve la même proportion ramassée et les mêmes caractères archaïques que l’on recon-

I

I 1. E. Beulé. Acropole d'Athène.^. T. I, p. 101.

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ATHÈNES.

naît à ceux de l’ancien Parthénon ou au temple d’Égine, et on peut en conclure que cette frise décora quelque ancien édifice de l’Acropole, détruit par Xerxès, et remontant au vi® siècle avant notre ère. Pour l’ar¬ chitrave, nulle incertitude; les blocs qui la composent proviennent d’un monument choragique^, et furent apportés, soigneusement numérotés avec des lettres dont la forme appartient au iii® ou iv® siècle après Jésus- Christ. Sur ces marbres, longs d’environ 2 mètres, on lit encore une inscription qui en fixe la date :

... APISTO AHMOÏ SrnETAIQN ANE0HKEN NIKHSA2 XOPH] QN KEKPOniAI HAIAtlN EAIAAXKE liANTAAEQN SIKÏ QNIOS HÏAEI AISMA EAnHNlîP TIMOOEOr NEAIXMOS HPXE

(( N***, fils d’Aristodème du dème de Xypété (dans la tribu cécropide), a consacré ce monument, ayant remporté la victoire comme Chorége des enfants de la tribu cécropide. Pantaléon de Sicyone a composé le chœur; Elpénor, fils de Timothée, a joué le chant sur la flûte. Néæchmus était archonte. »

L’archontat de Néæchmus répond à la 115* olympiade, l’an 316 avant Jésus-Christ. Nous verrons, lorsque nous décrirons le monument de Thra- syllus, que celui-ci fut vainqueur dans la même année, au concours des hommes faits.

Quant à la partie inférieure de la muraille , plusieurs des blocs qui la composent portent des inscriptions visibles à l’intérieur, qui ont été publiées par M. Beulé , et dont les plus modernes appartiennent au 11* siècle après Jésus- Christ.

11 n’est plus permis aujourd’hui de douter de l’emploi que firent les Grecs de la peinture dans la décoration de leur architecture 2 ; les travaux des Hittorlï, des Kugler, des Raoul Rochette, des Letronne, des Brôndsted , les recherches récentes sur les temples doriques de la Grèce et de la Sicile, ne laissent plus aucune incertitude; elles ont

1. Voy. c. VII.

2. Nous savons même, par des témoignages antiques, que tous les sculpteurs célèbres avaient sous leurs ordres un peintre habile chargé de peindre leurs oeuvres; plusieurs noms de ces artistes sont parvenus jusqu’à nous.

ENTRÉE DE L’ACROPOLE.

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confirmé d’une manière positive l’assertion de Vitruve^, au sujet de la cire bleue, cera cœrulea, qu’il indique comme étant la couleur d’usage pour les trigly plies ; les métopes paraissent avoir été généralement rouges La frise de la porte de l’Acropole était une preuve de plus de l’ancienneté de l’architecture polychrome. Au moment de sa découverte, M. Beulé a reconnu sur les triglyphes et sur les mutules des restes de couleur bleue, et sur les entre-mutules des vestiges de rouge; aujourd’hui, on en retrouverait difficilement quelques traces.

Les Romains , avons-nous dit , avaient rasé à la hauteur de 3 mètres environ au-dessus du sol les deux tours B G qui protégeaient l’entrée. Lors de la restauration hâtive, exécutée par ordre de Valérien, on pensa qu’il serait à la fois plus prompt et plus économique , au lieu de relever les tours, d’abaisser le sol et de mettre à découvert les substructions qui descendaient à une assez grande profondeur. C’est ainsi que les tours atteignirent une hauteur suffisante, et que la base du mur qui les réunit se trouva placée environ i'",65 plus bas que celle du mur qui l’avait précédé , et dont l’ancien niveau , probablement par hasard , se trouve justement indiqué sur la nouvelle muraille par le bandeau de marbre noir d’Eleusis dont nous avons parlé.

Les deux tours pyramidaient légèrement. La partie supérieure de ce qui en subsiste aujourd’hui et qui dans l’origine était seule visible est formée d’assises régulières de pierres du Pirée, longues de i"‘,25 environ et hautes de O"’, âO, superposées pleins sur joints. Ces assises reposaient sur une sorte de soubassement formé de blocs de même longueur, mais élevés de 1 mètre. Celui-ci est séparé de l’assise qui le surmonte par une

1. L. IV, c. 2, s 2.

2. « Il n’y avait pas, dans toute la Grèce, un seul temple construit avec soin qui ne fût plus ou moins coloré, c’est-à-dire peint de manière à contribuer à l’effet et au riche aspect du monument par la couleur harmonieuse des parties symétriques, et surtout des parties supérieures de la construction. L’application était de trois espèces : 1“ la couleur était employée comme couche et sans aucun effet d’illusion pour soutenir l’architecture proprement dite, c’est-à-dire pour relever la teinte insignifiante et monotone de la pierre; 2“ la couleur servait pour produire de l’illusion dans certaines parties de la construction, c’est-à-dire pour l’effet des ombres et des jours, des reliefs et des enfoncements sur un plan uni, en un mot pour faire de véritables tableaux, et par conséquent pour remplacer la sculpture; enfin, on employait la couleur comme achèvement des parties proprement plastiques. Dans ce cas, l’application des couleurs, entièrement subordonnée aux lois de la sculpture polychrome, n’appartenait à l’architecture qu’autant que ces ouvrages y tenaient comme décoration essentielle. »

Buondsted. Voyages et recherches dans la Grèce.

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ATHÈNES.

bande en creux, semblable à celles c|ue nous avons signalées à la portion de la muraille de l’Acropole que nous avons dit avoir fait partie de la restauration par Conon, nouvelle preuve à l’appui de l’opinion c|ue nous avons émise sur l’époque de la construction des tours qui nous occupent. Un autre rapprochement, qui n’a point échappé à la sagacité de M. Beulé, est tiré de ce c^ue les murailles des tours ont une épaisseur de O™, 56, exactement égale à celle du pan de mur voisin de l’Érechthéion.

La partie inférieure des tours, qui autrefois était cachée dans le sol et formait les fondations, n’est composée que de blocs grossièrement équarris, rangés par assises, dont la hauteur varie de 0"‘,A0 à 0’",90.

Comme, dans le principe, ces fondations ne descendaient qu’à une assez faible profondeur, il devint indispensable, lorsqu’on les mit à découvert, de les reprendre en sous-œuvre pour les conduire jusqu’au roc ; il en résulta un troisième mode de construction plus grossier encore dans la partie la plus basse des tours. « On la revêtit, dit M. Beulé, de larges assises pour que l’appareil extérieur de la nouvelle construction ressemblât à l’appareil ancien; mais la négligence du travail, l’état des matériaux, la forme des scellements trahissent la différence des époques; le mortier qui double le revêtement apparaît çà et là; on en voit même une couche épaisse de plusieurs centimètres unir la partie supérieure de la tour à la partie nouvelle; car le dernier rang du revêtement n’arri¬ vait point à soutenir la base ancienne, et l’on glissa dans cet intervalle tout un lit de mortier^. »

En avant des deux tours antiques s’élèvent deux contre -tours E F, deux espèces de contre-forts simplement appuyés contre elles sans les pénétrer.

La contre-tour E est composée d’assises en retraite de 0'",07 à 0'",08 les unes sur les autres, et par conséquent sa face présente une incli¬ naison beaucoup plus marquée encore que celle de la tour antique. Les assises horizontales et assez régulières sont formées de grands blocs de pierre ou de marbre blanc assez mal appareillés. Cette tour est pare- mentée du côté du sud regardant l’espace cju’elle enferme en avant de la porte, et du côté du nord elle se relie à un mur de même style, faisant partie de l’enceinte septentrionale.

1. E. Beulk. Acropole d’Athènes. T. I, c. IV.

ENTRÉE DE L’ACROPOLE.

^29

Quant à la contre-tour de droite F, appuyée contre la tour antique C, sa construction est toute différente et bien plus barbare ; elle n’est pas for¬ mée d’assises en retraite comme celle du nord-ouest, et sa face présente une ligne un peu moins éloignée de la verticale ; elle est composée d’une réunion de matériaux de nature et de grandeur diverses, grossièrement assemblés. A 3 mètres environ du sol, elle présente un cordon en saillie d’une forme usitée au moyen âge et qui, n’existant pas sur l’autre contre- tour, se retrouve au contraire sur un contre-fort K, attenant à la première. Cette contre-tour n’est pas parementée du côté G, donnant sur l’entrée, et, si on eût voulu la revêtir d’un parement, celui-ci se fût trouvé tout entier en saillie sur celui de la tour antique, comme nous l’avons indiqué par une ligne ponctuée. Il nous semble donc hors de doute que la muraille de face de la tour de droite se prolongea toujours jusqu’à la tour de gauche , contre laquelle elle venait s’appliquer sans s’y incor¬ porer, au moins dans sa partie inférieure et ancienne, et qu’elle fut toujours dans l’état M. Beulé la trouva, lorsqu’il démolit ce pro¬ longement pour faire reparaître au jour le mur et la porte de Valérien, la partie H, comprise entre les deux murs et les deux tours, ayant été comblée pour la métamorphoser en bastion. Le raccordement des deux contre-tours ne put être parfait, leur mode de construction étant différent et leur inclinaison n’étant pas tout à fait la même. M. Blouet, dans la planche de V Expédition de Morée, n’a pas reproduit cette particularité, omettant aussi le cordon que nous avons dit régner sur la contre-tour et le contre-fort de droite. M. Beulé ne paraît pas non plus avoir remarqué la différence de construction des deux avant-tours ; aussi leur assigne-t-il une seule et même date, celle de la conquête d’Athènes par Mahomet II. Nous croyons, au contraire, qu’elles doivent appartenir à deux époques peu éloignées peut-être l’une de l’autre, mais aussi à deux civilisations différentes. L’avant-tour E, dont la construction plus régulière et à assises en retraite rappelle, de loin à la vérité, celle de la muraille de Cimon, pourrait être, selon nous, l’œuvre d’architectes ayant encore conservé quelque vague souvenir des saines traditions de l’art. La tour de droite F et la muraille attenante I indiquent au contraire l’oubli com¬ plet de toutes les règles et paraissent l’œuvre de la barbarie. Nous ne croyons donc pas nous tromper en supposant que vers le milieu du XV® siècle, un des ducs d’Athènes de la famille florentine des Acciajuoli,

30

ATHÈNES.

peut-être l’infortuné Francesco, le dernier d’entre eux, avait entrepris d’augmenter les défenses de l’entrée de l’Acropole et avait élevé la contre-tour de gauche; il n’avait pas eu le temps de construire celle de droite quand Athènes tomba, en 1^56, dans les mains de Mahomet IL Ce conquérant continua alors l’entreprise, en modifiant le plan précé¬ demment adopté ; il éleva la contre-tour de droite et la réunit à celle de gauche , renfermant dans ce nouveau bastion la muraille et la porte de Valérien. Celles-ci n’avaient guère pu d’ailleurs être masquées beaucoup plus tôt, et avaient rester à découvert jusqu’à une époque postérieure à celle de l’invention de la poudre; car M. Beulé, avec sa sagacité ordi¬ naire, a reconnu sur leurs marbres des traces de balles aplaties. Tout l’intervalle compris entre le rempart turc et la muraille de Valérien fut rempli de terre et forma une plate-forme armée de canons. Ceux-ci y étaient amenés par un plan incliné qui, à l’intérieur de la citadelle, commençait au palier central des Propylées , palier où, comme nous le verrons, s’ouvrait la porte méridionale dont nous allons parler.

A dater de la clôture de la principale entrée antique, on ne pénétra plus dans l’Acropole que par une porte moderne située au sud, qui avait remplacer une porte antique dont il ne reste plus de traces, mais qui, dominant les ruines de l’Odéon, conduisait au passage que nous verrons avoir été destiné aux victimes.

Intérieur de l’ Acropole. Entrés dans l’Acropole, et observant à revers la muraille de Valérien, nous la verrons se prolonger sur une étendue de 22 mètres, et fermer le côté oriental des tours antiques qui primitivement était resté ouvert. Ce prolongement est, comme le mur lui-même, formé de grands blocs dont plusieurs, entourés d’une bande creuse, proviennent de constructions helléniques de la plus belle époque. Nous remarquerons que, dans toute l’étendue de cette muraille, les blocs qui la composent avaient été choisis et ajustés avec moins de soin, les faces les mieux conservées et formant l’appareil le plus régulier ayant été réservées pour l’extérieur de l’enceinte. Aucune entrée ne fut alors ménagée à la tour du sud qui dut être remplie, et dont la plate-forme, à laquelle on arrivait du sommet des remparts, fut utilisée pour les besoins de la défense; mais cette tour, à l’époque elle était ouverte d’un côté, avait eu un dallage dont les traces ont été constatées par M. Beulé, et qui se trouvait de niveau avec le premier palier des Pro-

INTÉRIEUR DE L’ACROPOLE. 31

pylées, avant que son niveau eût été abaissé. C’est à l’extrémité de ce palier, près de la tour méridionale, que sont déposés deux bas-reliefs, trouvés et publiés par M. Beulé^; ils sont d’un assez bon style et repré¬ sentent, l’un une danse pyrrhique, l’autre un chœur cyclique.

A la tour du nord est une porte L que M. Beulé croit être moderne; je ne partage pas son opinion à cet égard, et je pense au contraire que cette porte fut ménagée dès l’époque de Valérien. Un de ses jambages est formé en partie par un cippe de marbre gris du mont Hymette, qui porte une inscription grecque et romaine 2; et un autre bloc du même marbre, orné de deux couronnes de laurier et engagé plus loin dans la muraille même, me paraît avoir appartenir au même cippe. Je trouve une autre preuve à 1 appui de mon opinion dans la longueur du linteau de la porte qui, faisant parfaitement corps avec la muraille, ne me paraît pas avoir pu y être introduit après coup. Il était du reste assez naturel qu’au moins 1 intérieur de 1 une des tours fût resté accessible afin de servir de corps de garde ou de logement aux portiers de l’Acropole, aux À/.po(piiXa>c£ç, ainsi qu ils sont nommés dans les inscriptions grecques des époques de décadence.

Lors de la construction de 1 avant-tour du nord-ouest et du grand mur attenant au nord, on agrandit ce réduit B aux dépens du mur septen¬ trional de la tour antique. Celui-ci fut démoli, et non-seulement son em¬ placement fut ajouté à l’étendue du corps de garde, mais en outre un renfoncement fut ménagé dans la nouvelle muraille qui, de ce côté, fut revêtue de matériaux antiques provenant de la démolition de l’ancienne. On comprit que, minces comme elles étaient, les murailles de la tour n eussent pu supporter la voûte dont on voulait couvrir le réduit ménagé dans sa partie inférieure, voûte qui devait ensuite être surchargée de I terres ou de matériaux quelconques pour l’amener à former terre-plein ; aussi quatre pilastres d’angle et quatre autres appliqués aux parois les plus longues divisèrent-ils la pièce en trois espèces de travées voûtées, celle du milieu à plein cintre et les deux autres en ogive. Cet emploi de la voûte ogivale est une preuve de plus à l’appui de notre opinion sur 1 époque de cet agrandissement sous les Acciajuoli, au même temps

1. Acropole d’Athènes. T. II.

2. Ibid. T. II, p. 34G.

32

ATHÈNES.

furent construits la contre-tour du nord, et le mur septentrional attenant. Cette tour sert aujourd’hui d’abri aux chèvres que nourrissent les invalides, gardiens de l’Acropole.

En avant de la porte de cette tour est un petit puits D, en maçonnerie sèche, dont la construction, au moins dans sa partie supérieure, ne paraît pas antique et ne doit pas remonter au delà du moyen âge. Ce puits, qui était entièrement comblé, a été déblayé par M. Beulé, et l’eau douce et abondante qu’on y a retrouvée, à 16 mètres de profondeur, sert aujourd’hui aux besoins de l’Acropole. « Si cette découverte eût été faite trente ans plus tôt, peut-être, dit M. Beulé, le général Fabvier et ses braves Philhellènes n’eussent-ils pas été forcés ‘de rendre l’Acropole aux Turcs. »

Nous n’avons point parlé dans ce chapitre des traces de l’ancien che¬ min de l’Ennéapyle que M. Beulé a découvertes dans l’intérieur de l’Acro¬ pole, non plus que de quelques pans de murailles pélasgiques qu’il croit avoir appartenu aux défenses de cette entrée primitive ; nous dirons dans le prochain chapitre notre opinion à ce sujet.

Fragment du mur de Thémistoclo

Portique oriental des Propylées.

CHAPITRE II

PROPYLÉES.

PIÉDESTAL d’aGRIPPA. TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE. PIÉDESTAUX. AUTELS.

ENCEINTES DE DIANE BRAURONIA ET DE MINERVE ERGANÉ.

Ennéapyle, avenue fortifiée de neuf portes c|ui servait d’entrée à l’ancienne Acropole des Pélasges, paraît avoir suivi une sorte de ligne serpentine dont le tracé serait au¬ jourd’hui bien difficile à détermi¬ ner d’une manière certaine. Des fouilles faites par M. Beulé au pied du soubassement du temple de la Victoire Aptère et devant la porte méridionale A ouverte au moyen âge, et par laquelle encore aujourd’hui

3

34

ATHÈNES.

on pénètre dans l’Acropole, ont fait découvrir au-dessous d’un pavage moderne et d’une couche de sable et de débris un vestige incontestable B de cet antique passage. Le rocher mis à nu présente les traces évidentes du pas des bœufs destinés aux sacrifices^; leurs sabots, posés toujours à la même place, ont creusé dans la pierre ces sillons transversaux que l’on remarque dans tous les chemins parcourus fréquemment par ces animaux. Ce chemin, large au plus d’un mètre, semble s’être dirigé

rlan des Propylées.

vers le piédestal d’Agrippa et de s’être replié, toujours en montant, vers la partie antérieure des Propylées M. Beulé croit en reconnaître encore quelques vestiges. Nous sommes porté à croire que de il se redressait vers l’esplanade à peu près dans l’axe des Propylées, qui, bien entendu, n’existaient pas encore. Nous dirons pourquoi nous ne pen¬ sons pas, avec notre savant confrère, qu’il soit venu passer devant la muraille cyclopéenne dont nous signalerons l’existence derrière l’aile droite des Propylées.

Double niche. Bevenons à la porte moderne de l’Acropole. En la fran¬ chissant, on trouve à droite, au-dessus du petit chemin B que nous avons décrit, le soubassement qui porte le petit temple de la Victoire Aptère D. Dans ce soubassement sont ménagées deux niches carrées, i et 2, hautes de 2"',32, mais de largeur et de profondeur inégales Celle de droite, 2,

1. Voy. TL. IL ‘2. Ibid. , à droite.

DOUBLE NICHE.

3o

a de profondeur sur l'",67 de largeur; celle de gauche, i, seule¬ ment i'",22 sur Elles avaient été remplies par de la maçonnerie i;

aussi Leake2, les prenant pour des portes condamnées , a prétendu qu’elles conduisaient à un souterrain dans lequel il croyait reconnaître le double sanctuaire de Cérès-Chloé et de la Terre nourricière dont la fonda¬ tion remontait à Érichthonius. Les deux portes, selon lui, eussent répondu aux autels des deux divinités, et la position du sanctuaire, à droite du voyageur entrant dans l’Acropole, eût bien été celle indiquée par Pausa- nias^. Bien que, même après qu’il eut été reconnu que les prétendues portes n’étaient que des niches, pouvant contenir à peine un autel et une statue, MM. Ross, Schaubert et Hansen^, M. Raoul Rochette ^ et M. Pittakis^ aient persisté à y voir les sanctuaires de Gérés et de la Terre, nous croyons, avec M. Beulé, que ces sanctuaires étaient situés en dehors de la citadelle, ainsi que le dit formellement Thucydide, qui, parmi les temples hors de l’Acropole, cite ceux de Jupiter Olympien, d’Apollon et de la Terre C’est aussi avant d’entrer dans la citadelle que Pausanias parle des temples de Gérés et de la Terre ; enfin, dans la Lysistrate d’Aristo¬ phane, les femmes maîtresses de la citadelle voient accourir un homme : « est-il? dit l’une d’elles. Près du temple de Cérès-Chloé, » répond Lysistrate. Cet homme, Cinésias, est encore loin, puisque, malgré sa course rapide, il n’arrive qu’après un assez long dialogue entre Lysistrate et MyiThine, et que la première, placée en sentinelle près de la porte, lui refuse l’entrée. Quant à la position réelle des deux sanctuaires, une seule chose nous paraît établie, c’est qu’ils étaient, ainsi que le dit Thucydide dans le passage que nous avons déjà invoqué, situés au sud de l’Acropole et en dehors de son enceinte.

1. Les Turcs croyaient que l’intérieur du massif était rempli de sable et que, si l’on venait à ouvrir ces portes, le sable en s’écoulant laisserait à, découvert une entrée de la citadelle.

Ross, Schaubert and Hansen. Die Akropolis von Athen, p. 4.

2. Topography of Athens.

3. « Vous trouvez ensuite le temple de la Terre Courotrophos (qui nourrit ses enfants) et celui

de Cérès-Chloé (Verdoyante). Ceux qui veulent comprendre ces surnoms peuvent interroger les prêtres. » Pausanias. Att. C. XXII.

4. Die Akropolis von Athen.

5. Journal des Savants^ 2 mai 1845.

6. Ancienne Athènes.

7. TnucymuE. II, 15.

36

ATHÈNES.

Dirigeons-nous à gauche, vers la porte de Valérien, I; nous y verrons adossée la dalle de marbre sur laquelle M. Beulé a fait graver cette in¬ scription :

H TAAAIA

THNrYAHNTH^ AkPoroAEn^

TA TE I XH TOY^ PYP ro Y:^ \< A \

Tl-IN ANAB A^l N KEXXl^MENAE

TEl*: A A Y Y EN

XPHHHP P E I- BE-ŸAE EYPEN

« La France a déblayé la porte de l’Acropole, les murs, les tours, et l’escalier qui étaient ensevelis. » MDCCCLIII. « Beulé a découvert. »

Tournant le dos à la porte de Valérien, nous avons devant nous l’en¬ semble des monuments célèbres qui formaient intérieurement la décora¬ tion de l’entrée de l’Acropole ^ A gauche se dresse l’immense piédestal d’ Agrippa G; en face se développent les Propylées E et leur large esca¬ lier F, que domine à droite l’élégant petit temple de la Victoire Aptère D.

CoNSTiiucTiON DES Phopylées. Daiîs la quatrième année de la 85® olym¬ piade, l’an ù-36 avant Jésus-Christ, sous l’archontat d’Euthymènes 2, Péri- clès, voulant donner à l’Acropole une entrée digne de ce sanctuaire de la religion et des arts^, chargea l’architecte Mnésiclès de la construction de

1. Planche II.

2. Harpocuation. Lex., au mot ITpoicOI.aia.

3. Si nous ne pouvons, avec Spon et Wheler, voir dans les Propylées un ou plusieurs temples, nous ne pouvons non plus admettre, avec MM. Leake et Burnouf, qu’ils aient jamais pu être autre chose qu’une magnifique décoration , et qu’ils aient été destinés à remplacer les fortifications ren¬ versées par les Perses. Leur plan, leur caractère, la richesse des matériaux, la beauté de l’architec¬ ture nous paraissent se réunir pour repousser cette opinion. D’ailleurs, connaît-on dans l’antiquité ou dans les temps modernes un seul exemple d’enceinte fortifiée ornée d’une entrée monumentale de ce genre? Au contraire, dès les siècles les plus reculés, nous voyons de gigantesques pylônes précéder les temples et les palais de la Perse et de l’Égypte, et Hérodote nous apprend qu’à Sais Amasis éleva des propylées devant le temple de Minerve. Devant celui de Gérés, à Eleusis, nous retrouvons des propylées copiés sur ceux d’Athènes, et, certes, il n’était point question de fortifi¬ cations; nous savons par les auteurs qu’il en existait au cap Sunium, à Corinthe, à Priène; nous en verrons à la nouvelle Agora d’Athènes, et nous avons pu dessiner nous-mème ceux qui , à Pompéi , annoncent le forum triangulaire et le temple de Neptune, le plus ancien et le plus grec des édifices de la ville campanienne. On trouvera d’ailleurs les diverses autres considérations qui militent en faveur de notre opinion, développées avec autant de sagacité que de force par M. Beulé, dans son Acropole d’Athènes. T. I, c. VII.

ESCALIER DES PROPYLÉES.

37

ces Propylées^ qui devaient partager avec le Parthénon l’honneur d’être regardés dès lors 2 et à jamais comme le plus haut type de la perfection architecturale. Ils purent être livrés au public, bien que non entièrement achevés, en cinq années sous l’archontat de Pythodore, et ne coûtèrent pas moins de 20P2 talents (10,86/i,800 francs) , somme prodigieuse pour l’époque

Composés d’un corps central E et de deux ailes- en saillie G et H, les Propylées s’élèvent à l’entrée de l’esplanade de l’Acropole, à une hauteur de i3™,25 au-dessus du seuil de la porte primitive et de lû'",90 du niveau du seuil abaissé de la porte de Valérien, à laciuelle ils font face et dont ils sont séparés, comme nous avons déjà eu occasion de le dire, par une distance de 36 mètres prise horizontalement, et de 39 mètres en sui¬ vant la déclivité du sol.

Escalier des Propylées. Pour gravir cette pente, dont l’inclinaison n’est pas moindre de degrés (0“,û0 par mètre), il est évident qu un escalier fut toujours indispensable, et que jamais, en aucun temps, pente ou escalier ne purent être gravis par des cavaliers, ni par des chars, encore moins par des chariots chargés des immenses blocs de marbre destinés aux constructions monumentales de l’Acropole. Pourtant, il n’a pas manqué d’archéologues qui aient soutenu que les chars, les cavaliers de la procession des Panathénées, la barc{ue même qui, mue par des moyens invisibles, partait du stade panathénaïc{ue portant à son mât le peplos sacré, montaient jusqu’au sommet de l’Acropole. Le principal argument mis en avant par les partisans de cette opinion, c est que ces chars et ces cavaliers se retrouvent dans la frise qui, entourant le Par-

1. npo7t0),aia, avant^ortes ou portes en avant.

2. « Épaminondas, sans craindre d’offenser la majesté d’Athènes, ne criait-il pas à la populace de

Thèbes qu’il fallait transporter les propylées de notre Acropole dans le vestibule de la Cadmée (citadelle de Thèbes)? » Eschine. Procès de l ambassade.

3. « Voilà pourquoi les ouurages que fist alors Périclès sont plus esmerueillables , attendu quils ont esté parfaicts en si peu de temps et ont duré si longuement; pource que chacu d iceux, dès lors qu’il fust parfaict, sentoit desia son antique quant à la beauté , et neatmoins quant à la grâce et vigueur, il semble jusques auiourdhui qu’il vienne tout freschement destre faict et parfaict. »

Pletarqüe. Périclès.

4. « Les Propylées, cette magnifique entrée de l’Acropole, ressemble à une grande ouverture musi¬

cale. Ils forment une œuvre d’art entièrement indépendante, complète, intelligible en elle-même et ayant sa signification propre; cepiendant ils sont destinés en même temps à préparer le spectateur à quelque œuvre plus haute et pllus saisissante dont ils nous font déjà pressentir le but et les prin¬ cipaux traits. » Hermann Hettner. Athen und der Pelopones.

38

ATHÈNES.

thénon, représente la procession des Panathénées, telle quen réalité elle se développait autour du temple. M. Beulé a combattu ces assertions par des raisonnements qui nous paraissent sans réplique. « Je n’ai pas besoin de dire cependant que ce n’était pas vers le Parthénon, mais vers l’Érechthéion que se dirigeait le cortège ; que le péplum n’était point destiné à Minerve Parthénos, mais à Minerve Poliade ; qu’on voit sur la frise de Phidias des dieux, des déesses, des êtres allégoriques qui ne figuraient évidemment point dans la procession ; qu’on y remarque des scènes qui ne pouvaient se passer à l’Acropole : ce n’est point à l’Acropole, par exemple, que les jeunes Athéniens équipaient leurs chevaux, gour- mandaient leurs esclaves, nouaient leurs sandales ou passaient leurs tuniques^. »

Ceci posé, reste une dernière objection. Comment ont pu être trans¬ portés au sommet de l’Acropole les matériaux des Propylées, du Parthé¬ non ou de l’Érechthéion? Peut-on douter un instant que les architectes qui ont su mettre en place des blocs gigantesques, tels que ceux que nous trouverons servant d’architrave aux Propylées eux-mêmes, eussent été assez habiles en mécanique pour établir des apparaux capables d’éle¬ ver ces matériaux par l’un des côtés à pic du rocher de l’Acropole? Ce procédé n’était-il pas le plus simple, le plus praticable? D’ailleurs, en supposant que, par impossible, des attelages innombrables de bœufs ou de chevaux eussent pu à la rigueur hisser à grand’peine, par la pente occidentale de l’Acropole, les immenses blocs destinés aux parties supé¬ rieures des Propylées, de l’Érechthéion et des autres édifices de la cita¬ delle, à quelles dégradations,^^ à quels dangers n’eussent pas été exposés, lors de leur passage, les soubassements, les stylobates, les bases des merveilleux portiques des Propylées?

Il dut donc exister de tout temps un escalier monumental conduisant de la porte fortifiée aux Propylées et placé dans leur axe. Si l’on est aujourd’hui d’accord pour reconnaître que celui dont M. Beulé a décou¬ vert les restes ne peut remonter au delà de l’époque romaine, il ne nous semble pas moins évident c|u’il en a remplacé un plus ancien, con¬ temporain sans doute des Propylées et ayant fait partie du plan de Mnésiclès, ainsi que d’ailleurs l’indiquent surabondamment les restes des

1. Beulk. Acropole d'Athènes. T. I, c. V, p. 140.

ESCALIER DES PROPYLÉES.

39

murailles à assises inclinées 3 ^, qui encadraient cet escalier à droite et à gauche, et montaient avec lui de la porte aux Propylées.

(( Les traces de l’escalier, dit M. Beulé, sont écrites bien clairement sur les substructions qui supportent les deux ailes des Propylées. Ces substructions sont partie en pierre, partie en marbre : en pierre tout ce qui était caché par l’escalier, en marbre tout ce c|ui paraissait. La ligne de séparation de matériaux si différents forme «elle -même des degrés qui accompagnent le mouvement de l’escalier 2. »

Une autre remarque bien importante n’a point échappé à la sagacité du savant monographe de l’Acropole. On sait que dans les monuments grecs, et en parlant du Parthénon nous aurons occasion de revenir sur cette particularité singulière, les lignes horizontales décrivent toujours une certaine courbe. Or, aux Propylées, cette courbe ne se retrouve que dans l’entablement, tandis que le soubassement reste parfaitement horizontal. Cette exception unique ne put être motivée que par la néces¬ sité de raccorder ce soubassement avec l’escalier cjui ne pouvait être convexe.

Les fouilles ont mis à découvert, dans l’axe même de la partie infé¬ rieure de l’escalier, un pan de muraille pélasgique ff, de petit appareil à polygones irréguliers, cjui doit avoir fait partie de l’enceinte primitive de l’Acropole. Lorsque Mnésiclès traça son escalier, il dégrada le som¬ met de ce mur, et, lui donnant l’inclinaison nécessaire , il en fit un des supports de sa nouvelle construction.

Voici donc la disposition de l’escalier, telle qu’elle nous a été révélée par les fouilles. Dans le principe, après avoir franchi la porte I, on trouvait un premier palier 5, large de 2'", 75, de plain-pied avec le seuil; mais lorsque sousYalérien celui-ci eut été abaissé de i“,65, force fut de pratiquer dans cet étroit palier le petit escalier de sept marches 6, qui existe encore aujourd’hui, et dont la ligne précipitée forme un angle obtus avec celle de l’escalier primitif. Sa marche inférieure approchait même tellement du seuil, qu’elle a être entaillée pour que les deux battants de la grille pussent s’ouvrir.

1. L’inclinaison de ces assises est un peu moindre que celle de l’escalier lui -même; elles sont surtout visibles au bas de l’escalier. Devant elles est déposé le bas-relief de la danse pyrrhique dont nous avons parlé.

2. Beulé. Acropole d’ Athènes. T. I, c. V, p. 135.

40

ATHÈNES.

Si l’abaissement du seuil de la porte avait encore besoin d’être prouvé, il suffirait de remarquer que le spectateur, debout sur ce seuil, ne peut embrasser d’un coup d’œil ni l’escalier antique ni les Propylées, tandis que lorsqu’il s’élève à la hauteur du palier primitif, hauteur calculée par Mnésiclès, les Propylées se développent devant lui dans toute leur splendeur, dans toute leur majesté.

Au premier palier succèdent 26 degrés^, occupant toute la largeur et dont les trois premiers sont encore presque entiers. De quelques autres, il ne reste que de faibles parties; la plupart enfin ont complè¬ tement disparu. La hauteur des marches est de O'^iO à 0'",21; leur profondeur varie de O'^hO à Le côté droit de cette rampe est

le mieux conservé , parce qu’il reposait sur le rocher même. Vers le nord au contraire , le rocher ne se trouvait qu’à une assez grande piofondeur, les marches avaient été plus facilement dérangées et par suite enlevees, et le sol avait ete converti en un cimetière les fouillns de M. Beulé ont mis à découvert d’innombrables ossements.

La piemiere rampe conduisait a un second palier 8, primitivement large de 3'", 20, mais qui ne subsiste plus que sur une largeur de 2‘",4i, soutenu dans sa partie centrale par une construction en bricjue, due à M. Beulé 2. Son extrémité droite répondait à cette entrée méridionale A dont 1 existence depuis les temps les plus reculés est signalée sur le rocher par les traces de pas de bœufs. L’extrémité gauche du palier aboutissait à l’escalier de Pan J, autre entrée située au nord et taillée dans le roc, sur laquelle nous aurons occasion de revenir.

A partir du palier central, l’escalier des Propylées se trouvait partagé, au milieu, par un chemin creux 9 qui, revêtu de dalles striées, offrait une voie accessible aux victimes et correspondait au grand passage E et à la porte principale des Propylées K, dont il avait la largeur (3'", 65) .

L escalier de droite 10, longeant le soubassement du temple de la Vic¬ toire xlptère et dont il ne restait en place que cinq fragments , avait été lefait assez imparfaitement avant les decouvertes de M. Beulé, aux frais de la Société archéologique d Athènes, sur une largeur de 3 mètres, avec

1. Pour économiser une partie du marbre, les degrés avaient été formés de blocs taillés en biseau. Cette circonstance, jointe à l’exécution moins soignée des scellements et l’appareil, est une preuve que 1 escalier n’est point celui de Mnésiclès et l’a seulement remplacé à l’époque romaine.

2. Pr,. II.

PROPYLÉES.

4t

des matériaux antiques, d’après les indications qu’avait laissées M. Des¬ buisson, architecte pensionnaire de l’École de Rome, indications que les ouvriers grecs, malgré l’active et intelligente surveillance de M. Pittakis, ont été incapables de suivre exactement. Cet escalier était interrompu par une sorte de perron 11, qui conduisait au temple de la Victoire Aptère. Ce perron , en partie détruit et devenu impraticable , n’a pas été rétabli.

L’économie de l’escalier des Propylées étant connue, M.Beulé explique, de la manière la plus satisfaisante, la destination de ses diverses parties lors de la procession des Panathénées.

« Je me figure, dit-il, la pompe sacrée se divisant en trois troupes, et suivant trois chemins différents. Les prêtres , les magistrats , les vieillards, les jeunes vierges, se dirigent vers la grande entrée. Ils dépassent les tours de la façade qui sont comme le vestibule de l’Acro¬ pole, et montent lentement le magnifique escalier de marbre. Pendant ce temps, les sacrificateurs et les bœufs qu’ils conduisent, les métœques chaj^'gés de leurs fardeaux, arrivent à la porte latérale du sud et se présentent au-dessous du temple de la Victoire. Enfin, la jeunesse athé¬ nienne, qui a cjuitté ses chars et ses chevaux près de l’Aréopage avec le vaisseau sacré, gravit l’escalier de Pan, qui touche presque à l’Aréo¬ page, et débouche par la porte latérale du nord, au-dessous de la Pina¬ cothèque. Les trois troupes se rencontrent sur le vaste palier qui forme le centre de l’escalier; elles se réunissent et reprennent l’ordre accou¬ tumé pour franchir les derniers degrés et pénétrer dans la ville sainte^. »

Propylées. Arrivons enfin aux Propylées, prœclara ilia Propylœa^. Après un troisième palier 12, large seulement de 0"’,60, nous voyons s élever leurs colonnes sur quatre degrés de marbre qui, au portique central L, ont 0‘",40 de profondeur sur 0'", 30 de hauteur, et aux ailes seulement 0'",35 de profondeur. A celles-ci, le degré inférieur est en marbre noir d’Éleusis^. Ces degrés présentent tous, dans leur angle

L Belle, Acropole d'Athènes. T. I, c. V, p. 152.

2. Cicéron. De offi,ciis. II, 15.

3. Le soubassement des Propylées menaçait ruine; M. Wyse, ministre d’Angleterre en Grèce, proposa de le faire réparer aux frais de son pays, si l’on voulait permettre que cette restauration fût signée du nom de l’Angleterre. Les Grecs refusèrent, et le mal continua de s’aggraver. Enfin, en 1857, le gouvernement hellénique a fait exécuter des travaux de consolidation devenus indispensables.

42

ATHÈNES.

rentrant, un petit canal carré pour l’écoulement des eaux, de sorte qu’ils offrent ce profil :

Coupe des degrés.

Chaque entre-colonnement , aussi bien que chaque base du stylobate, est formé d’une seule pierre de i’",69 de largeur, mais dont la longueur est pour les entre-colonnements de i‘", 56, et pour les bases de Chaque colonne est inscrite dans un carré indiqué par une saillie ou bandeau, de 0''%06 de hauteur et 0'",9 de largeur. Sur la face anté-

Plan d’une colonne.

rieure, ce bandeau présente une échancrure pour l’écoulement des eaux qui , sans cette précaution , eussent séjourné, comme dans un bassin , au pied du fût de la colonne.

Les colonnes sont cannelées à vive arête dans toute leur hauteur, et les cannelures sont au nombre de 20. Pour les faire paraître plus saillantes par le jeu des ombres, on ne les a point tracées en segment de cercle , ce qui eût permis à la lumière de pénétrer également dans toutes les parties de la concavité, mais on les a laissées presque plates dans le fond, afin que leurs extrémités, en se relevant brusquement, projetassent une ombre plus tranchée.

La largeur totale du portique, prise au degré supérieur formant sty¬ lobate, est de 23'", 81, et au degré inférieur de 21'", Û9. Cette dernière étendue est partagée en deux parties par le passage central K E, réservé aux victimes. Celui-ci est large de 3'", 65, ce qui laisse par conséquent,

PROPYLÉES.

43

pour la largeur de chaque portion du portique et de l’escalier qui y conduit, 8'”, 92.

Les Turcs, après avoir couvert le corps principal des Propylées mem d’une pesante coupole, en avaient fait un arsenal et un magasin de poudre L Spon et Wheler racontent qu’en 1656, vingt ans avant leur arrivée à Athènes, un aga nommé Isouf (lousouf?) se préparait à célé¬ brer une des grandes fêtes de sa religion, en détruisant à coups de canon, du haut de la citadelle, l’église de Saint-Dimitri , située dans la plaine, au pied de la colline de Musée. Dans la nuit qui précéda le jour fixé pour ce sacrilège , la foudre tomba sur le magasin de poudre des Pro¬ pylées , et l’aga périt avec toute sa famille à l’exception d’une jeune fille ; le plafond des Propylées et deux colonnes furent renversés ; les autres colonnes et les murailles furent ébranlées , et les blocs qui les

composaient dérangés de leur place. Cependant, le fronton de la façade occidentale soutenu par six colonnes doriques existait encore 2, et n’a disparu que plus tard, ainsi que quatre chapiteaux et la partie supérieure

1. Le sol du vestibule était tellement exhaussé par les débris , que les petites portes du mur de fond étaient bouchées jusqu’à leurs linteaux.

2. Il fut vu en place par Spon et Wheler, suivant lesquels cette partie des Propylées, que de leur temps on appelait l'arsenal de Lycurgue, fut un temple. Aujoui'd’hui , des morceaux du fronton gisent à terre, et M. Beulé en a retrouvé un angle. Les frontons des Propylées ne paraissent pas avoir été ornés de sculptures, car aucun auteur antique n’en a fait mention.

Les Propylées en 1750, d’après Stuai't et Revett.

ATHÈNES.

des colonnes, par la double action du temps et des hommes^. Les cha¬ piteaux étaient encore tous les six en place, mais les deux colonnes à gauche portaient. seules un morceau d’architrave, à l’époque Revett dessina les Propylées 2. Les entre-colonnements étaient alors fermés par un mur percé de meurtrières, qui n’a été démoli que dans les premières années du royaume hellénique, par M. Ludwig Ross, alors conservateur des antiquités.

Le portique LL, par une disposition tout exceptionnelle, laisse au milieu un entre-colonnement K beaucoup plus large que les autres, comprenant dans sa frise deux triglyphes et trois métopes , au lieu d’un ' triglyphe et deux métopes. Des six colonnes, les deux des extrémités ont seules conservé leurs chapiteaux, et encore sont-ils dans le plus triste état de dégradation. On peut cependant voir encore que ces chapiteaux ne le cédaient en rien, pour la beauté, l’élégance, la fermeté, la perfec¬ tion des profils, à ceux du Parthénon.

Le diamètre des colonnes à leur base est de i'”, 5/i3 et au sommet de P", 205. La hauteur du fût est de 8‘^078 et celle du chapiteau de ü'",722, ce qui donne un total de 8*", 80. La colonne a donc de hau¬ teur 5 diamètres 3//i. La largeur de l’entre-colonnement est de 2'", 10, c’est-à-dire d’environ 1 diamètre 1/3; celle de l’entre-colonnement central atteint 3"\ 51 ou environ 2 diamètres 1/3.

Derrière le portique s’étend, entre deux murailles parallèles, le grand vestibule M E M que soutenaient six colonnes ioniques ^ ; toutes malheu-

n Un des chapiteaux est au British Muséum, Elgin saloon, n” 130, ainsi qu’une partie de l’enta¬ blement dorique, n“ 131.

2. Voy. la vignette, p. 43.

3. « Les colonnes qui soutionnent le temple (les propylées) par dedans, dit Spon, sont ioniques, parce qu’étant plus hautes de toute l’épaisseur de l’architrave, pour en soutenir le lambris, la proportion de l’ordre ionique, qui fait la colonne plus haute que le dorique, lui convenait mieux. »

PROPYLÉES.

45

reusement ont perdu leurs chapiteaux, et plusieurs ciuelques-unes de leurs assises supérieures; la dernière à gauche n’en conserve même que deux , y compris celle qui forme la base. De ce coté , les tambours des trois colonnes ont été déplacés par la violence de l’explosion , et ce dérangement permet d’apprécier la perfection de leur poli intérieur, aussi bien que divers morceaux épars sur le sol. Les cannelures,, au nombre de 24 , ne sont point à vive arête , mais séparées par des baguettes, selon la règle de l’ordre ionique. Le diamètre de ces colonnes est de 0'",97.

L’entre-colonnement a 2™, 63, environ 2 diamètres 2/3. Des fragments assez importants des chapiteaux ont été retrouvés et ont permis aux architectes d’en donner des restaurations exactes Ces chapiteaux sont d’un style beaucoup plus simple et plus sévère que ceux que nous trou¬ verons à l’Érechthéion. On y reconnaît encore des traces très-visibles de peintures, qui, circonscrites à la pointe, remplaçaient une partie des ornements qui à l’Érechthéion étaient sculptés, bien qu’également colo¬ riés. Dans le siècle qui précéda celui de Périclès, les ornements d’archi¬ tecture ne sont parfois composés que de traits profondément creusés et remplis de rouge, ainsi qu’on le fait pour les inscriptions antiques, l’espace qu’ils circonscrivent restant incolore. On trouve des exemples de ce genre de décoration dans le petit musée de l’Acropole; ce sont des fragments découverts dans des fouilles faites autour de l’Acropole en 1836; on ignore à quel monument ils ont pu appartenir.

Sous le vestibule des Propylées , sont déposés de nombreux fragments d’architecture, de sculpture et d’inscriptions. On y remarque une des poutres de marbre du soffite des Propylées , qui n’a pas moins de 6'", 40 de longueur 2. Dans les dalles que supportaient ces énormes poutres, étaient creusés les caissons, ç^irvcoyaTa, lacunaria, à double rang, dont le fond était occupé uniformément par des étoiles.

Nous avons dit que le portique principal était flanqué de deux ailes

\ . Revett, n’ayant pas vu ces restes de chapiteaux ioniques, a proposé la plus malheureuse des restaurations, des colonnes sans chapiteaux, portées par des piédestaux.

Voy. Stuart et Revett. T, II, pl. 43.

2. « Les Propylées, dit Pausanias, ont leur faîte en marbre blanc, et c’est l’ouvrage le plus admi¬ rable qu’on ait fait jusqu’à présent, tant pour le volume des pierres que pour la beauté de l’exécu¬ tion- » AU. C. XXII.

46

ATHÈNES.

en saillie G et H qui, par une de ces heureuses hardiesses que présentent si souvent les Propylées, offraient un petit ordre dorique à côté même du grand ordre central, auquel Mnésiclès avait voulu conserver toute son importance. Les ailes étaient en apparence symétriques, bien qu’elles fussent en réalité de profondeur fort inégale. Chacune d’elles était ornée de trois colonnes.

Pinacothèque. L’aile gauche est restée la partie la plus intacte des Propylées, ayant conservé son architrave et sa frise, et par consé¬ quent ses colonnes et leurs chapiteaux. La frise avec ses triglyphes se prolonge sur les murs qui forment les trois autres côtés de l’édifice, murs qui, bien que criblés de boulets et de balles, ont conservé en place

toutes leurs assises. A cette aile, comme au portique central, les entre- colonnements étaient murés à l’époque du voyage de Stuart et Revett 2.

1. Chandlcr, ainsi que Stuart et, d’après lui, Legrand, l’ont prise pour le temple de la Victoire Aptère. « Le premier objet, dit-il, qui se présente au-dessous de Vaile droite des Propylées ou temple de la Victoire, est une grotte consacrée autrefois à Apollon et à Pan, etc. »

Cbandler redescendait alors de l’Acropole, et par conséquent les monuments s’offraient à lui en sens inverse; c’est pour cela qu’il nomme aile droite la partie des Propylées que nous appelons aile gauche. Nous verrons que c’est en effet au-dessous de celle-ci que se trouve la grotte de Pan.

‘2; Voy. la vignette, p. 43.

PINACOTHÈQUE. 47

Ici, les colonnes sont inscrites dans un rond en creux, et non dans un carré, comme au portique central, et on n’avait pas eu la précaution d’y ménager le petit déversoir pour l’écoulement des eaux. Le diamètre des colonnes est à la base de l''’,025, et au sommet de 0'", 784. La hauteur du fût est de 5'", 366, celle du chapiteau est de 0'", 41; total 5‘", 776, environ 5 diamètres 2/3.

L’entre-colonnement est de l‘ri45 ou 1 diamètre 5/6 environ. Entre les colonnes sont les traces de scellement d’une grille, qui probablement n’était qu’un simple garde-fou. Ce portique n’a en dedans des colonnes que 4 mètres de profondeur sur 10'", 75 de largeur. Le mur du fond est percé d’une grande porte 13 et de deux baies ou fenêtres 14. La porte est large de 2'", 35 et haute de 4'", 60. Son seuil de marbre noir d’Éleusis est élevé de 0'", 31. A 2'", 33 au-dessus du pavé du portique, règne un bandeau de ce même marbre, large de 0'", 13, et s'ervant d’appui aux deux fenêtres hautes de 2'", 40 et larges seulement de 0'", 85, accom¬ pagnées chacune de deux pilastres doriques ; les impostes portent encore des traces d’oves peintes, dont les contours avaient été d’abord dessinés à la pointe. Ces fenêtres, aussi bien que la porte, ouvrent sur une grande salle N, de 10'", 75 de largeur sur 8"‘,92 de profondeur. On donne à cette pièce le nom de Pinacothèque, et tout nous paraît justifier cette dénomination*. Pausanias dit, en effet, qu’en regard du temple de la Victoire Aptère, et par conséquent à la gauche des Propylées, se trouve un petit édifice orné de peintures. Depuis la découverte du temple de la Victoire , aucun doute n’est plus possible sur ce que Pausanias entend par la gauche des Propylées, et par conséquent nous n’avons pas à nous arrêter à discuter l’opinion de Stuart, qui place les peintures de Poly- gnote dans une salle derrière l’aile droite, salle que nous prouverons n’avoir jamais pu exister. Revenons donc à la partie gauche des Propy¬ lées. Les fouilles faites en 1845 et 1846, en avant de cet édifice et à gauche du piédestal d’Agrippa, ont prouvé qu’en ce lieu il n’y avait jamais eu aucune construction. Il ne reste donc plus que la grande salle de l’aile gauche à laquelle puissent s’appliquer les paroles de Pausanias. M. Beulé suppose que sa destination primitive ne fut peut-être pas de servir de galerie de tableaux, et il en donne pour raison que les deux

1. Leroy {Monuments de la Grèce) avait déjà, en 1770, reconnu la Pinacothèque.

48

ATHÈNES.

fenêtres hautes et étroites dont nous avons parlé n’eussent pu suffire pour éclairer les peintures , et en même temps eussent nui à leur effet, si, comme il est probable, la salle eût été éclairée par le haut. Quel eût alors été l’emploi de cette salle dans la pensée de Mnésiclès? Disons avec M. Beulé lui-même : « Hypothèse pour hypothèse, ne vaut-il pas mieux se figurer dans ces beaux murs de marbre, avec ces élégants pilastres et cette corniche d’un profil si pur, une galerie de tableaux qu’un corps de garde ou un dépôt d’armes ? »

Dans la supposition de M. Beulé, qui rapprocherait de nous l’époque de la décoration de la salle des Propylées, nous trouverions une preuve de plus à l’appui de notre opinion dans une autre controverse qu’a sou¬ levée le passage de Pausanias. Les peintures de la Pinacothèque étaient- elles des tableaux portatifs ou des peintures murales ? Suivant notre voyageur, plusieurs étaient dues au pinceau de Polygnote. Or, cet artiste, le Giotto de l’école grecque^, qui avait peint le Pœcile d’Athènes en l’an Û78 avant Jésus-Christ, devait avoir au moins quatre-vingts ans lorsque en /iSO, ou plus tôt, il eût pu commencer la décoration des Pro¬ pylées; à plus forte raison n’eût-il pu y travailler, si la salle n’eût été destinée que plus tard à recevoir des peintures. De plus, à l’époque de la construction de la Pinacothèque, il y avait vingt-cinq ans au moins que Polygnote avait quitté Athènes pour ce voyage triomphal à travers la Grèce, pendant lequel il sema tant de chefs-d’œuvre sur son passage, et qu’il termina par la décoration de la Leschè de Delphes. Nous croyons donc, avec MM'. Raoul Rochette et Beulé, que les peintures que vit Pau¬ sanias étaient de véritables tableaux sur bois, sur marbre, ou sur toute autre matière, qui avaient été rassemblés dans cette espèce de musée.

Harpocration^ nous apprend que Polémon le Périégète avait écrit un ouvrage sur les peintures des Propylées^, et le titre de cet ouvrage,

1. « Les premiers peintres célèbres, dont les ouvrages ne se recommandent pas seulement par leur

antiquité, sont, dit-on, Polygnote et Aglaophon. Quoiqu’ils n’employassent qu’une seule couleur*, leur peinture a encore aujourd’hui des amateurs si zélés qu’ils préfèrent ces ébauches presque grossières et l’on ne peut guère qu’entrevoir les germes de l’art, aux productions des plus grands maîtres qui les ont suivis, mais sans autre raison, selon moi, que la prétention de passer pour habiles connaisseurs. » Quintiuen. De l’Inst. or. L. -XII, c. 10.

2. Lex., au mot Aà(j.7ta;.

3. Ospi Twv èv lIpoîTuXaiot; Tîtvâxwv.

* Cette assertion est démentie par Pline : « Polygnote de Thasos , dit-il , le premier, peignit des femmes avec des vêtements brillants, leur mit sur la tête des mitres de différenles couleurs, etc.» IJist. nul. L. XXXV, c. 2.5,

PINACOTHÈQUE.

49

malheureusement perdu , portait le mot Tvivaxs»; ^ (tableaux, peintures sur bois) et non celui de ypaç-/i (peinture en général).

Des preuves plus concluantes encore naissent de l’examen attentif de la salle même des Propylées. Sur ses murs, il est impossible de trouver la moindre trace de peinture, tandis que nous en avons reconnu aux impostes des fenêtres elles ont réellement existé, aussi bien que sur les divers membres d’architecture des autres édifices de l’Acropole. La muraille est trop polie pour avoir retenu un stuc dont elle aurait été revêtue, pas assez pour avoir reçu directement la peinture. Enfin, M. Desbuisson a fait remarquer que cette muraille, non plus que bien d’autres parties des Pro¬ pylées, n’avait jamais été achevée. Selon l’usage des Grecs, la surface de chaque bloc avait été laissée en saillie, et les angles en étaient abat¬ tus de manière à éviter les épaufrures pendant la durée de la construction ; la surface entière de la muraille devait être ravalée et polie tout d’une pièce après son achèvement. C’est ce dernier travail qui, pour une cause demeurée inconnue, n’a jamais été exécuté, et aujourd’hui la surface non abattue de chaque bloc est encore de niveau avec certaines moulures qui devaient rester en saillie.

Les adversaires de cette opinion ont fait remarquer que l’on ne trouve sur la muraille aucune trace des clous qui auraient servi à suspendre les tableaux. Il eût été difficile, en effet, d’enfoncer des clous dans une mu¬ raille de marbre, mais rien au contraire n’était plus facile que d’établir en avant un échafaudage mobile, ainsi que nous l’avons vu faire pendant tant d’années dans la grande galerie du Louvre, à l’époque des exposi¬ tions annuelles.

Voici maintenant le passage de Pausanias qui nous a fait connaître les peintures déjà fort endommagées qui, de son temps, étaient exposées dans la Pinacothèque : « A gauche des Propylées est un petit édifice orné de peintures. Parmi celles que le temps n’a pas entièrement effacées, on remarque Diomède emportant de Troie la statue de Minerve, et Ukjsse à

1. Ce mot répond exactement au mot tabula des Latins qui veut dire en même temps pZanc/te et tableau, et que justement Pline, ici beaucoup trop absolu, oppose à la peinture murale, lorsqu’il dit qu’il n’y avait de gloire que pour les peintres de tableaux : nulla gloria nisi eorum qui tabulas ÿinxerunt.

M. Beulé croit toutefois que le mot TcivaxEç avait pu passer dans l’usage pour désigner toute peinture ])ortative, quelle qu’en fût la matière, de même que chez nous on a étendu le mot tableau qui, dans l’origine, voulait aussi dire petite table dm bois, aux peintures sur toile ou sur cuivre.

4

oO

AïliËNES.

Lemnos se saississant des flèches de Philoctète. On y voit aussi Oreste et Pylade tuant, Fun, Egisthe, et le second, les fils de Nauplius qui étaient venus au secours d’ Egisthe. Une autre partie de ce tableau représente Polyxène quon va sacrifier sur le tombeau d’Achille. Homère a bien fait de passer sous silence une action aussi cruelle. Il me semble aussi qu’il a eu raison de dire qu’ Achille prit Scyros, au lieu de le représenter dans cette île confondu avec des jeunes filles, comme l’ont fait d’autres poètes, ce c{ue Polygnote a représenté dans l’édifice dont nous parlons U Il a peint également Nausicaa et ses compagnes lavant leurs vêtements dans le fleuve et Ulysse debout auprès d’elles, le tout d’après Homère. On y remarque encore d’autres peintures, savoir : Alcibiade, avec les emblèmes de la victoire qu’il avait remportée aux courses de Némée^; Persée se rendant et Séryphe et portant à Polydecte la tête de Méduse. Au-dessus de ces peintures, en laissant de côté l’Enfant qui porte des urnes et le Lutteur, peint par Timœnète, on voit le portrait de Musée » Cette énumération de peintures n’ayant entre elles aucune liaison, aucun rapport, cette réunion A’ académies, de portraits, de compositions histori¬ ques, n’indiquent-elles pas évidemment un musée composé de tableaux rapportés et non pas une salle revêtue de peintures murales qui nécessai-

1. Nous retrouvons ce sujet, Achille découvert par Ulysse au milieu des filles de Lycomède, dans une des principales peintures de Pompéi. Cette composition, qui existait dans le tablinum de la maison du Questeur ou de Castor et Pollux , pourrait bien être une réminiscence de celle de Polygnote. La même donnée a inspiré l’auteur d’une mosaïque encore en place à Pompéi dans la maison d'Apollon.

2. Alcibiade avait fait faire deux peintures à l’occasion de cette victoire; le nom de l’artiste nous a été conservé par Athénée :

« Lorsqu’il revint d’Olympie à Athènes, il consacra deux tableaux dus au pinceau d’Aglaopbon. Dans l’un, on voyait l’assemblée des jeux olympiques et pythiques couronner Alcibiade; dans l’autre était représentée {la nymphe) Némée tenant sur ses genoux Alcibiade dont la figure surpassait en beauté celle des plus belles femmes. » Satyrus, cité par Athéxée. Deipnos. L. XII.

Il y a dans ce passage plusieurs ei’reurs manifestes; ce fut à Némée qu’Alcibiade remporta la victoire, ainsi que l’atteste la présence de la nymphe protectrice de ce lieu. En outre, comment eût-on pu représenter à la fois l’assemblée des jeux olympiques et pythiques qui se célébraient, les premiers à Olympie, les seconds à Delphes.

D’un autre côté, Plutarque n’est pas d’accord avec Satyrus sur le nom du peintre, et Amyot, son traducteur, de son autorité privée, voit dans celui de Némée tout autre chose que la désignation de la divinité protectrice de Némée :

« Et ayant le peintre Aristophon peint une courtisane nommée Nemea, qui tenait entre ses bras Alcibiade assis en son giron, tout le peuple y accouroit et prenoit grand plaisir à voir ce tableau. »

PujTARQtE. Vie d’Alcibiade.

3. Paisvnias. Att. L. XXII. *

PINACOTHÈQUE. 51

rement eussent formé une suite, eussent eu une donnée commune, comme nous verrons qu’il en avait été au Pœcile. Rappelons que, parmi ces pein¬ tures, Pausanias indique un portrait d’Alcibiade vainqueur aux jeux Néméens, et que le brillant élève de Socrate n’était encore qu’un enfant à la mort de Polygnote.

Dans la partie supérieure du mur septentrional ou de fond, partie qui ne date que du moyen âge, est une petite fenêtre double et carrée 15. A la même hauteur se trouve une autre fenêtre 16, dont le linteau sculpté est évidemment byzantin. Dans la Pinacothèque, aussi bien que dans le portique qui la précède, on voit les traces de poutres qui les avaient divi¬ sés en étages. Ces travaux, et sur ce point nous sommes d’accord avec M. Beulé, nous paraissent devoir être attribués au premier duc d’Athènes, Neri Acciajuoli, mort en 1393, et que les historiens nous apprennent avoir enrichi sa nouvelle capitale de nombreux édifices. Il découvrit l’aile gauche des Propylées, si toutefois la couverture existait encore à cette époque, en fit surélever les murailles l’on distingue encore des vestiges de peinture du même temps, et, la partageant par des planchers, la rendit habitable^. Aussi, après la conquête d’Athènes par Mahomet II, cette partie des Propylées devint-elle la demeure de l’aga turc, commandant la citadelle.

L’aile gauche des Propylées a été convertie également par les modernes en une sorte de musée. Dans le portique, sur des tables de pierre, sont scellés des pieds, des mains, des têtes et autres fragments de sculpture provenant des fouilles de l’Acropole. La Pinacothèque est remplie d’in¬ scriptions, de stèles, etc. On y remarque plusieurs des tuiles de marbre qui couvraient les Propylées, divers fragments des sculptures du Parthé- non, un charmant bas-relief trouvé près de la grotte de Pan, représen¬ tant une matrone devant ce dieu, dont malheureusement la partie supé¬ rieure est brisée. Des inscriptions trouvées dans la Pinacothèque même nous font connaître la part que chacun des peuples de l’Attique avait prise au çopôç, cette contribution pour la guerre contre les Perses, dont le produit était déposé dans l’opisthodome du Parthénon et qui fut employé en partie par Périclès aux embellissements d’Athènes.

1. Ces murailles, d’une hauteur à peu près égale à celle de la construction antique, se retrouvent encore avec leurs fenêtres et leurs créneaux dans le dessin de Revett que nous avons reproduit à la page 43.

52

ATHÈNES.

Aile droite. L’aile droite des Propylées H ne se composait que du portique seul, répétant, quoique avec un peu plus de profondeur (4™, 75), celui de l’aile gauche, mais ne précédant pas comme lui une arrière-salle telle que la Pinacothèque, bien que Stuart en ait indiqué une sur son plan, prenant, comme nous l’avons dit, cette partie des Propylées pour l’édifice que Polygnote avait enrichi de ses peintures. Cette aile fut en partie démolie, probablement pour élargir la nouvelle entrée de l’Acro¬ pole, lorsque, les entre-colonnements du portique central ayant été murés, on dut pénétrer dans l’enceinte par un passage ménagé entre les Propylées et le temple de la Victoire Aptère.

La première colonne de 1 aile droite 17 n’a laissé que la trace de son fut sur le stylobate. En avant, des pierres portant en creux la trace des crampons, àyx.c6veç, qui les unissaient à d’autres pierres aujourd’hui ab¬ sentes, indiquent le prolongement de la face septentrionale jusqu’à l’angle détruit, ainsi que le mur occidental qui a entièrement disparu. Les murs du sud et de l’est existent seuls, et forment la base d’une tour haute d’en¬ viron 27 mètres qui servait de prison à l’époque Leroy visita Athènes, et qui fut construite probablement au commencement du xv® siècle par un duc d’Athènes, peut-être Antonio Acciajuoli^; ces murs composés de mar¬ bres assemblés avec soin n’avaient pas été entièrement achevés, et les blocs portent encore presque tous les tenons réservés en saillie pour les élever et les mettre en place, aussi bien que la surface provisoire en saillie qui, destinée à prévenir les accidents du transport et de la con¬ struction, ne devait être abattue que lorsque la muraille recevait la der¬ nière façon. malheureusement, comme aussi aux autres murailles des Propylées, beaucoup de blocs ont été brisés pour extraire les crampons (lui les unissaient à rintérieur.

Dans la muraille septentrionale de la tour sont renfermées l’ante et les deux autres colonnes du portique, grossièrement mutilées et visibles seule¬ ment à l’intérieur, l’on ne pénètre que par une très-petite porte 18, percée à l’occident en face du temple de la Victoire Aptère.

Le mur méridional se termine par une ante 19, qui indique que dans l’angle sud-ouest se trouvait une porte dont l’autre pied-droit devait être attenant au mur occidental. C’est la présence de cette porte qui a pu

I. Hermann IIettner. Athen und der Pelopones.

AILE DROITE DES PROPYLÉES.

o.I

faire supposer à Stuart, et à Leake d’après lui, l’existence d’une arrière- salle jouant ici le même rôle c{ue la Pinacothèque dans l’aile septentrionale. 11 suffisait cependant de jeter les yeux sur un plan exact de l’Acropole pour reconnaître que l’espace eût manciué, et que près de la moitié de cette salle se fût trouvée en dehors des murailles et suspendue sur le vide. L’angle sud-est du soubassement de la tour est parfait et ne présente aucun arrachement indicjuant la prolongation du mur oriental ; enfin, cet angle s’appuie sur une antique muraille pélasgic^ue 00, qui se dirige obliquement du sud-ouest au nord-est, et ciui eût traversé la salle. Il nous semble donc évident que la porte percée au fond du portique méridional des Propylées ne conduisit jamais c|u’à une petite enceinte irrégulière, découverte, dont il serait difficile de préciser la destination.

Mur cyclopéen. Pénétrant dans ce réduit, nous trouvons le mur cyclo- péen ou pélasgique 00 dont nous avons parlé; il est composé de blocs

irréguliers, aux angles généralement émoussés, et à la face grossière¬ ment aplanie. Il n’en reste qu’un petit nombre d’assises. Nous ne pensons pas, avec M. Beulé, ciue ce mur ait pu faire partie des fortifications de l’Eiméapyle; sa construction, beaucoup moins soignée c[ue celle des autres restes pélasgiques de l’Acropole, nous porte à croire que cette muraille, destinée seulement à soutenir la terrasse qui devint l’enceinte de Diane Brauronia, dut être revêtue d’un parement de construction plus soignée dont la partie supérieure pût servir de parapet.

A l’extrémité nord-est de la muraille cyclopéenne, derrière l’aile droite des Propylées, se présente en saillie une ante de marbre blanc 20, ayant évidemment formé l’un des côtés d’une porte dont l’autre pied-droit fut détruit par Mnésiclès lorsqu’il construisit les Propylées. Cette porte, qui paraît aj'ipartenir à une époque déjà avancée de l’art, sans doute à celle

ATHÈNES.

des Pisistratides, eût été, suivant M. Beulé, un ornement ajouté à l’Ennéa- pyle. Nous croyons que ce ne fut que l’entrée d’une petite enceinte sacrée dans laquelle s élevait l’édicule P, dont nous allons parler, et qui eût barré le chemin, si de ce côté eût été l’entrée de l’Acropole. On a passé en effet par là, comme nous l’avons dit, pendant tout le moyen âge, mais alors le sol était exhaussé jusqu’au sommet du mur cyclopéen, et on arrivait de plain-pied sur la terrasse de Diane Brauronia.

Dans l’enceinte en question, au pied du mur pélasgique, nous voyons encore sur le sol les restes d’un soubassement de marbre P, en forme d’équerre, dont le côté oriental est parallèle à la muraille, et devait s’ap¬ puyer contre son revêtement. Ce côté, aussi bien que celui du sud, vient se perdre sous l’aile droite des Propylées. Ce devait être un petit édifice sacré dont, contrairement à l’opinion de M. Beulé, qui en adosse le fond à la muraille cyclopéenne pour en tourner l’entrée vers ce qu’il croit avoir été le chemin de l’Ennéapyle, nous pensons que la façade regardait le nord, et par conséquent la porte de marbre dont nous venons de voir un des pieds-droits encore debout. Il est évident que les derniers restes de cet edicule détruit à l’époque de la construction des Propylées devaient disparaître entièrement; mais nous avons vu que la dernière main ne fut pas mise au monument de Mnésiclès ; nous ne devons donc pas nous étonner de retrouver encore cette ruine dans un lieu entièrement masqué par le nouvel édifice.

Cet édicule, voisin du temple de la Victoire Aptère, ne pourrait-il pas être le monument qui avait été consacré à Égée et dont parle Pau- sanias ^ ?

Pour compléter l’examen des Propylées, nous reviendrons au grand portique L, et au passage central KEQ; celui-ci a une longueur de mè¬ tres, égale à celle de tout le corps principal des Propylées ; il est dallé en pierres fortement striées, unies entre elles par des crampons de cette forme , dont on voit encore les traces. Les dalles formaient un plan incliné présentant de loin en loin des degrés de 0'",15 seulement de hau¬ teur, comme dans les escaliers que les Italiens nomment cordonate ou scale a cordoni, et accessible aux bœufs qui, en plusieurs endroits, ont laissé dans la pierre la profonde empreinte de leurs sabots. Le sol du

\. Att. C. XXII.

INTÉRIEUR DES PROPYLÉES. So

vestibule, à droite et à gauche de ce chemin, étant horizontal, chacune des portes qui en occupent le fond est précédée de cinq degrés. C’est pour racheter peu à peu cette différence de niveau que le chemin central A B

Coupe du chemin central.

monte depuis son entrée. Aussi, à partir du troisième entre-colonnement, voit-on une de ses dalles G s’elever déjà au-dessus du niveau du pave D E du vestibule, et les suivantes devaient s’élever de plus en plus jus¬ qu’à la hauteur de la marche supérieure AF de l’escalier du fond.

Au delà des Propylées, le chemin se continuait dans la direction du Parthénon, comme l’indiquent les stries taillées dans le roc.

Le passage des Propylées pouvait être fermé par une barrière, et l’on y voit encore, en face du second entre-colonnement, dans une dalle du pavé, un trou carré de 0'’hi5 qui dut recevoir le montant de cette barrière qui sans doute était de bois et s’enlevait tout d’une pièce au lieu de s’ou¬ vrir. Nous verrons qu’une autre grille existait au portic{ue oriental.

La muraille de fond du vestibule était, comme nous l’avons dit, percée de cinq portes RS T, d’inégale grandeur, aux quatre plus petites des¬ quelles on montait par cinq degrés. ‘Les quatre degrés inférieurs de marbre blanc ont 0'",liO de largeur sur 0-",28 de hauteur; le cinquième, formant seuil et haut de 0"‘,32, est en marbre noir d’Éleusis. Ces degrés présen¬ tent dans leur angle rentrant le même petit canal carré que nous avons signalé à ceux du portique occidental

La porte centrale R, haute de 7"', 65, est large de à‘",80, et son linteau n’a pas moins de 6"', 35 de longueur. Les deux portes S, qui flanquent celle-ci à droite et à gauche, ont à"h96 de hauteur sur de largeur;

enfin les deux dernières T, beaucoup plus petites, n’ont ciue 3"', 62 sur On voit encore dans les pieds-droits de ces portes les trous de scellement des anciens chambranles de bronze. Toute la partie du pilier qui était recouverte par eux n’est que grossièrement aplanie à la pointe du

1. Page 42.

ATHÈNES.

5()

pic, tandis que l’étroit pilastre resté visible et saillant de 0"’,07, au centre des tiunieaux, est lisse et poli. On voit aussi, sur le seuil de marbre noir large de des entailles destinées à recevoir le bas de ce revêtement

de bronze.

Ces chambranles, ainsi que les portes de même métal, ayant été enle¬ vés à une époque inconnue, avaient été remplacés par des pièces de marbre grossièrement taillées et appliquées. Un savant philologue prus¬ sien, M. Bôckh, nous apprend ^ que, vers le lU siècle après Jésus-Christ, un certain Flavkis Septimius Marcellinus restaura à ses frais les portes de 1 Aciopole. M. Beule pense qu il s agit des cinq portes des Propylées, et que ce fut Marcellinus « qui fit peut-être remplacer les bronzes par les chambranles de marbre dont une partie existe encore aujourd’hui. » Nous avons peine à nous ranger à cette opinion, et à ne faire remonter qu’au second siecle de notre ere, c est-a-dire seulement au commencement de la decadence, cette lestauration faite sans aucune espèce de soin et digne des époques les plus barbares du Bas-Empire.

Après avoir franchi les portes, on trouve un autre portique hexa- style VV, formant la façade postérieure des Propylées ^ et regardant l’orient et l’intérieur de l’Acropole. Ce portique étant placé sur un terrain plus élevé que le portique occidental, il en résultait que son fronton se ti ouvait egalement a un niveau supérieur. Cette différence devait être peu sensible poui le spectateur place au pied de l’escalier des Propylées, mais elle devait être choquante pour celui qui se trouvait sur les collines de l’Aréopage, des Nymphes ou du Pnyx. Ce n’est pas du reste la seule bizaiieiie qui se présente dans la composition des Propylées, monument non moins étonnant par l’audace de la conception qu’admirable par la perfection de l’exécution.

Le portique oriental est profond de 6 mètres en dedans des colonnes et sa longueui , égalé à la largeur du vestibule, est de 17'’\70. Plusieurs tam¬ bours des colonnes ont été déplacés par l’explosion, mais aucun n’a été renversé, et l’avant-dernière colonne à gauche a seule perdu son chapi¬ teau. Les autres chapiteaux sont, il est vrai, tous plus ou moins endom¬ mages. I^a piemière colonne à droite, celle du nord, porte encore une

1. Die Staatshaushaltung der Athener. C. I, G. n" 521.

2. Voy. la vignette en tftte du chapitre.

57

PORTIQUE ORIENTAL DES PROPYLÉES.

])artie de l’angle de l’architrave avec les gouttes des triglyphes de la frise. Les deux colonnes voisines soutiennent la pièce postérieure de l’ar¬ chitrave composée primitivement de trois blocs juxtaposés. Enfin, la dernière colonne à gauche est réunie à l’ante par l’architrave, c{ui a conservé deux de ses marbres adossés l’iin à l’autre; le troisième, qui formait la face extérieure, a disparu.

Les six colonnes de ce portique reposent sur un stylobate large de 1"',67 composé de deux degrés, le premier de 0"‘,15, le second de 0"’,32 de hauteur. De même qu’au portique occidental, chaque colonne pose sur une dalle entourée d’un bandeau saillant échancré d’un côté pour l’écou¬ lement des eaux. La proportion des colonnes est la même. Dans le stylobate, entre les deux colonnes centrales, sont les trous de scellement d’une grille.

Le travail intérieur des tambours de marbre composant les colonnes des Propylées est fort remarquable ; il présente quatre zones distinctes :

Coupe horizontale il'uno colonne.

la première parfaitement polie ; la seconde légèrement piquée et la troi¬ sième fortement martelée ; la quatrième est un rond poli ayant au centre un trou carré de 0"“,i0 de côté et 0"’,07 de profondeur. Afin de rendre parfaite l’adhérence des assises de la colonne, on laissait légèrement en saillie la zone extérieure i, et le centre 7i; dans le creux ménagé à cet

Pivots en bois.

efiét, était placé au bloc inférieur un de bois dur légèrement conique, percé d’un trou rond qui recevait un pivot adhérent à un autre déplacé

58

ATHÈNES.

dans le bloc supérieur. On pouvait alors faire tourner ce dernier comme une meule, et par le frottement on obtenait une adhérence telle qu’en bien des endroits il serait impossible de distinguer le joint. Plusieurs de ces pivots en bois sont conservés dans le petit musée de l’Acropole.

Piédestal de Vénus. Après avoir franchi le portique des Propylées par le passage central, on trouve aussitôt à droite, presque au pied de la première colonne, un piédestal rond 21, posé sur des chantiers, et qui

Piédestal de Vénus.

évidemment a été déplacé à l’époque de sa découverte. Brisé par le haut, il a la forme d’un fut de colonne de 0'",75 de diamètre, conservant encore une hauteur de 0'",55. On y lit cette inscription :

KAAAIA[i; ANE0EKEN] NiK [Ei;Ai:]

OA [TMIl] lAÏI nreiA aïs IS0MIA IIENTAKIS NEMEA TETPAKIS ÏIANA0ENAIA METAAA

« Caillas a dédié (cette statue) ayant été vainqueur aux jeux olympiques, deux fois aux jeux pythiens, cinq fois aux jeux isthmiques, quatre fois aux jeux néméens et aux grandes panathénées. »

Or, Pausanias, parmi les monuments qui décorent l’Acropole, après avoir indiqué la lionne de bronze, image symbolique de la fameuse Léæna, l’amie et la complic’e d’Harmodius et d’Aristogiton, ajoute : « La statue de Vénus que l’on voit auprès est, dit-on, une offrande de Cal lias et a été^faite par Galamis. » Ne pouvons-nous pas, d’après ce passage rapproché de l’inscription, regarder comme certain que nous avons sous les yeux le piédestal de la statue consacrée à Vénus par Callias, athlète célèbre qui vivait dans la 11'" olympiade (472 à 469 avant Jésus-Christ),

PIÉDESTAUX.

59

et sculptée par Calamis, ce vieux maître qui, le premier, si l’on en croit Quintilien^ et Cicéron 2, commença à s’éloigner de la sécheresse archaïque des artistes C[ui l’avaient précédé.

Piédestal de Nésiotès. En pendant avec ce piédestal, à gauche du passage, en est déposé un autre 22, ou plutôt une plinthe sur la tranche

de laquelle on lit cette inscription en très-anciens caractères ;

« Alcibius le joueur de lyre a consacré. Nésiotès (a fait). »

A cjuelle divinité était consacrée la statue que portait ce piédestal ? Nous l’ignorons ; mais le genre de talent du donateur ne semblerait-il pas indicjuer un Apollon plutôt que toute autre divinité? Quant à son auteur, Nésiotès, l’un des plus habiles sculpteurs de l’antiquité grecque, il est un des quatre artistes cités par Pline comme ayant été les contemporains et les rivaux de Phidias

Piédestal de Minerve Hygiée. Au pied de la dernière colonne du portique oriental des Propylées est encore en place un troisième pié¬ destal 23, également de marbre pentélique, celui de Minerve Hygiée.

U II auint, dit Plutarque, pendant qu’on les bastissoit (les Propylées) , un accident merueilleux cjui monstra bien que la déesse Minerve ne réprouvoit point cette fabrique, ains l’avoit pour bien agréable ; car le

1. « Les statues de Gallon et d’Hégésias sont d’un style dur et approchent de la manière étrusque.

Celles de Calamis ont déjà moins de roideur, et l’on trouve dans Myron un air encore plus aisé que dans Calamis. » Qoiktilien. Inst. orat. L. XII, c. 10.

2. « Est-il un connaisseur qui ne sente que les statues de Canacus ont une roideur qui nuit au naturel? Celles de Calamis, avec de la dureté, ont cependant quelque chose de plus moelleux. »

Cicéron. De Claris orat. XVIIL

3. « Dans le même temps, ses émules furent Alcamène, Critios, Nésiotès et Hégias. »

Pline. XXXIV, 19, 1.

La plupart des textes de Pline portent, par une erreur évidente, Critias et Nestoclès; cependant on trouve ISésiotès dans l’ancien manuscrit de Bamberg, et cette correction a été reproduite dans les classiques de Nisard.

ATIII^NES.

()0

plus diligent et le plus affectionné de tous les ouvriers qui y beson- gnoyent tomba d’aventure du haut en bas, de laquelle cheute il fust si malade, que les médecins et chirurgiens n’esperoyent pas qu’il en peust échapper. De quoi Périclès estant fort desplaisant, la déesse s’aparut à lui de nuit en dormant, qui lui enseigna une médecine ^ de laquelle il guérit facilement le patient et en peu de temps : et fut l’occasion pour laquelle il fist depuis fondre en cuyvre l’image de Minerve que l’on sur¬ nomme de Santé, laquelle il fist dedans le temple du Chasteau, auprès de l’autel qui y estoit auparauant^. »

piédestal de Minerve Hygiée.

Telle fut l’origine de la statue de Minerve Hygiée ; nous croyons tou¬ tefois que la dernière phrase du récit de Plutarque contient une erreur, et que le piédestal que nous voyons aujourd’hui est encore à sa place antique; sa forme semble l’indiquer, et peut-être pourrait-on supposer avec cjuelque vraisemblance que la statue de la déesse fut érigée par Périclès au lieu même de l’accident.

Le piédestal, qui seul est arrivé jusqu’à nous, a la forme d’un autel rond, mais coupé du côté adossé à la colonne; son diamètre est de 0'",87 et sa hauteur de 0'",70. Dans les trois cavités que présente sa surface sont des traces de coloration par l’oxyde de cuivre laissées par les pieds et la lance de la statue qui paraît avoir été légèrement colossale. Pline ^ cite un sculpteur nommé Pyrrhus comme auteur d’une Minerve et d’une

1. Le parthénion, ynatricaria par thenium ou par iet aria diffusa de Linnée, sorte de pariétaire très-commune encore sur le rocher de l’Acropole.

2. Vie de Périclès. XIll. Trad. d’Amyot.

3. L. XXXIV, 10, 31.

Cf. Pr.iNE. L. XXII, 20, et L. XXI, 104.

PIÉDESTAL D’AGKIPPA.

61

Hygie, mais cette indication serait insuffisante, et pourrait s’appliquer à toute autre statue de la déesse de la Santé, si elle n’était précisée par l’inscription meme gravée sur notre piédestal ;

A0ENAIOI TEI AOENAIAI TEl mEAJ UÏPPOS EU01Hi:EN A0ENAIOS

« Les Athéniens à Minerve Hygiée. » v

« Pyrrhus, Athénien, a fait. »

Près de ce piédestal on en a trouvé un autre plus petit en marbre gris de l’Hymette, déposé aujourd’hui dans le vestibule des Propylées et que son inscription, dont les caractères appartiennent à l’époque romaine, nous apprend avoir été également consacré à Hygie ;

iiEEA^THI ïl lEIAI

a A l’auguste Hygie. »

A droite de la statue de Minerve Hygiée est un passage X, qui sépare les Propylées de l’enceinte de Diane Brauronia Y. Dans ce passage, au pied de la muraille méridionale du vestibule des Propylées, on voit gisants deux fragments 24 de l’entablement; sur une doucine sont dessinées à la pointe des feuilles d’eau primitivement colorées; on y reconnaît des traces évidentes de peinture, mais la couleur ne pourrait être déterminée avec certitude.

Dans un angle de ce même passage, contre l’ante des Propylées, est adossée la partie inférieure d’un grand bas-relief 25, qui, par son style, paraît appartenir à la plus belle époque de l’art et présente beaucoup d’analogie avec les métopes du Parthénon. Il ne reste malheureusement que les deux jambes d’un homme qui paraît s’élancer, et dont la chlamyde voltige derrière lui. M. Beulé suppose que ce bas-relief put être appli¬ qué au rocher qui, taillé verticalement, soutient au nord et près de une partie de la terrasse de Diane Brauronia.

Afin de ne pas interrompre la description des Propylées, nous avons laisser derrière nous deux monuments qui accompagnent leur grand escalier, le piédestal d’Agrippa et le temple de la Victoire Aptère.

Piédestal d’Agrippa. 11 est fort difficile de comprendre comment le

62

ATHÈNES.

piédestal d’ Agrippa C ^ se trouve placé obliquement par rapport à l’escalier des Propylées 2. « Si le plan de l’escalier, dit M.. Beulé, eût été tracé pour la première fois du temps des Romains, on eût tenu compte évidemment du piédestal, et on eût amené l’encadrement de l’escalier dans son prolongement. » Mais il nous semble au moins aussi probable que, si l’escalier eût existé, on eût placé le piédestal en rapport avec lui.

Il n’y a donc-, selon nous, aucune conclusion à tirer de ce rapproche¬ ment. Une supposition de Stuart, si elle était admise, pourrait donner la clef de ce problème. Suivant lui, le piédestal n’aurait point été élevé primitivement pour recevoir la statue d’ Agrippa, mais aurait existé long¬ temps auparavant. En ce cas, il pourrait être antérieur à l’escalier lui- même et avoir été conservé lors de la construction des Propylées. Sa forme pyramidale, que Stuart n’a pas remarquée, mais qui rappelle les traditions de l’art archaïque, pourrait être une nouvelle preuve à l’appui de cette hypothèse.

Chandler, Leroy, Stuart et Legrand croient qu’en pendant devait être un autre piédestal portant la statue d’Auguste; ils se fondent sur une phrase fort ambiguë de Pausanias qui, après avoir décrit le faîte des Propylées, ajoute : « Je ne saurais dire au juste si les deux figures équestres qu’on y voit représentent les fils de Xénophon, ou si elles n’ont été faites que pour servir d’ornement. » Si Pausanias eût voulu désigner le piédestal que nous voyons aujourd’hui, il n’eût pu avoir aucune incer¬ titude; il lui eût suffi de jeter un coup d’œil sur l’inscription qui y est tracée en lettres onciales, et qui eût sans doute existé aussi sur le pié¬ destal de la prétendue statue d’Auguste. Ne pourrions-nous pas supposer c{ue le voyageur grec a voulu parler plutôt de deux autres statues équestres qui pourraient avoir été placées aux extrémités du fronton central des Propylées? Il suffit du reste de jeter un coup d’œil sur le plan de l’Acropole pour se convaincre de l’impossibilité d’une con¬ jecture, cjui toutefois était permise une époque le temple de la

1 . Voy. planche II à gauche.

2. Leroy ne s’est point aperçu de cette irrégularité, et, dans son plan de l’Acropole, il fait le piédestal d’Agrippa parallèle à la Pinacothèque. Cette erreur ne se retrouve pas dans le plan donné par Legrand.

PIÉDESTAL D’AGRIPPA. 63

Victoire Aptère et l’escalier des Propylées n’avaient pas encore été retrouvés et rétablis.

Le piédestal d’Agrippa est d’une hauteur disproportionnée qui ne peut s’expliquer que par le désir de rendre la statue visible par-dessus les murs de l’Acropole; mais la statue devait être du plus fâcheux effet, écrasant par sa hauteur les Propylées eux-mêmes. L’inclinaison du sol laisse à découvert sa partie inférieure sur une plus grande hauteur, au nord et à l’ouest, et c’est peut-être cette circonstance qui explique son inclinaison sensible vers le nord-ouest, mouvement que dut favoriser la poussée des terres contre les côtés sud et est. De ce coté, M. Beulé a été même forcé de reprendre les substructions en sous-œuvre pour prévenir la chute du monument.

Le soubassement est composé de six assises de 0'",40 de hauteur (total 2'",/i0) ; sa largeur est de 5 mètres et sa longueur de 5'", 38^. Au- dessus sont trois degrés de même hauteur (total i'",20). Les deux premiers ont 0''hi9 de profondeur, y compris un demi-rond ^ en saillie qu’ils portent à leur angle.

J

5

c

Base et corniche du piédestal d’Agrippa.

Ce demi-rond n’existe pas au degré supérieur cjui venait presque affleurer l’élégante moulure de marbre blanc, haute de 0'",60, qui porte le du piédestal. Celui-ci, haut de il'",75, et composé d’assises alter¬ nativement plus basses et plus élevées, est, ainsi que nous l’avons dit,

1 . Le peu de différence de la longueur et de la largeur du piédestal nous porterait à croire qu’il portait une statue colossale debout et non point équestre, comme l’ont supposé Stuart et la plupart des autres voyageurs.

2. G est par ei’reur que Stuart, qui n’avait pu bien voir la base du piédestal en grande partie ensevelie, indique cette moulure comme étant carrée.

64

A T H lîNES.

de forme sensiblement pyramidale ; il a pour mesure à sa base 3'", 35 sur 3'", 75, et au sommet 2'", 83 sur 3'",i4. Enfin, la corniche de marbre blanc qui surmonte le a 0"’,80, ce qui complète, pour le piédestal, une hauteur totale de 16'", 75.

Les deux faces du nord et de l’ouest regardant l’extérieur de l’Acro¬ pole sont broyées par les boulets, aussi l’inscription qui était gravée sur le à l’ouest, bien que formée de très-grands caractères, est aujour¬ d’hui presque entièrement disparue; heureusement elle avait pu encore être copiée par Stuart qui nous l’a conservée ^

O AHMOÏ

MAPKON A TPI 110 AN AEYKIOr riON TPIl rHATON TON EAYTOTi ETEPEETHN

c Le peuple (honore) Marcus Agrippa, fils de Lucius, trois fois consul, son bienfaiteur^. »

Cette inscription nous donne la date de l’érection de la statue, le troisième consulat d’Agrippa se rapportant à l’an 27 avant Jésus-Christ.

Un marbre trouvé près de et déposé maintenant dans le chemin central de la- montée des Propylées répète à peu près l’inscription du piédestal ; on y lit ;

O A H MO A

MAPKON ArPIirilAN AEYKIOr YION TON EATOY (sic) EYEPIETHN

(( Le peuple (honore) son bienfaiteur, Marcus Agrippa, fils de Lucius, n

Le piédestal d’Agrippa avait été réuni au soubassement du temple de la Victoire Aptère par une batterie, et à l’aile gauche des Propylées par une courtine qui permettait d’arriver à son sommet qui avait été crénelé. C’est ainsi qu’on le trouve dans le dessin de Stuart et Revett que nous avons reproduit

1. Stuart a copié par erreur TON EAIOY « bienfaiteur de Caius, » ce qui n’a pas de sens.

2. Agrippa avait fait construire à Athènes le théâtre du Céramique auquel il avait donné son nojn, et il avait, dans plusieurs autres circonstances, contribué à l’embellissement de la ville.

d. Page 43.

TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.

65

Temple de la Victoire Aptère. Sur un grand soubassement qui borne au sud l’escalier des Propylées et que les boulets ont fort mal¬ traité , s’élève le petit temple de la Victoire Aptère^ ou sans ailes T).

Temple de la Victoire Aptère.

Nous avons dit que de cet escalier partait un petit perron di, condui¬ sant à l’étroite terrasse qui s’étend entre la façade du temple et l’aile droite des Propylées. Cette terrasse était garnie d’un garde-fou, composé d’une suite d’admirables bas-reliefs déposés aujourd’hui dans la cella du temple. Ces bas-reliefs furent découverts en 1835, par MM. Hansen et Schaubert, lorsqu’ils détruisirent le bastion turc qui avait remplacé le temple. On reconnut que ces dalles portaient sur les tranches latérales la trace des scellements qui les réunissaient, sur leur tranche supérieure l’indication d’une grille qui les surmontait, et sur la tranche inférieure les trous des crampons qui les fixaient dans une feuillure encore bien visible au bord de la terrasse.

« Le temple de la Victoire Aptère , dit Pausanias ^ , est à droite des Propylées. La mer se découvre de cet endroit, et c’est de là, dit-on.

1. « Pour les Athéniens, dit M. Renié, Minerve était la Victoire même; ce n’était pas un surnom c’était son nom: on ne disait pas Minerve victorieuse, mais, par la réunion énergique des deux substantifs, Minerve-Victoire, AOTivâ-Ni'xr). »

2. Attic. C. XXII.

5

66

ATHÈNES.

qu’Égée se précipita et se tua lorsqu’il vit revenir avec des voiles noires le vaisseau qui avait transporté les jeunes Athéniens dans l’île de Crète. Thésée en effet, comptant sur sa valeur, était parti avec l’espoir de tuer le Minotaure, et avait promis à son père de mettre des voiles blanches au vaisseau s’il revenait vainqueur. Ariane lui ayant été enlevée ^ , il oublia sa promesse, et Égée, croyant qu’il avait péri, se tua en se pré¬ cipitant du haut de la citadelle. On voit encore dans Athènes le monu¬ ment héroïque d’Égée »

La Victoire était ordinairement représentée avec des ailes; Wheler a supposé ingénieusement que celle remportée par Thésée parut ne pas en avoir, puisqu’elle ne fut pas connue à Athènes avant l’arrivée du héros. De serait venu le surnom à' Aptère^, qu’on lui eût donné en érigeant un temple en son honneur. D’autres auteurs ont prétendu que les Athéniens avaient représenté la Victoire sans ailes pour la fixer à jamais parmi eux , de même que les Spartiates , au dire de Pausanias

1. Si Pausanias a pour lui l’autorité de Plutarque {Vie de Thésée), qui prétend qu’Ariane fut enlevée à Thésée par Onarus, prêtre de Bacchus, et celle de Diodore de Sicile (L. IV, SCI), qui dit qu’elle lui fut ravie par le dieu lui-même, il est en contradiction avec Ovide {Met. L. VIII, 3; Héroides, ep. 10; Art d’aimer. G. I, v. 527, et G. III, v. 35; et Fastes. L. III, v. 458); avec Gatulle, {Carm. LXIV) ; Properce (L. I, élég. 3); Tibulle (L. III, élég. 7); Stace (L. I, Silv- 2); Hésiode {Théog., V. 947) ; et la plupart des mythologues, suivant lesquels ce fut Thésée lui-même qui volon¬ tairement abandonna Ariane dans l’île de Naxos, elle fut trouvée par Bacchus qui l’épousa.

Enfin, nous lisons dans Homère {Odyssée. G. XI) une tradition toute différente : « Thésée, dit-il, enleva de Grète la belle Ariane pour la conduire dans la ville sacrée d’Athènes; mais il ne put s’unir à elle, car Diane, sur le témoignage de Bacchus, la perça de ses flèches dans l’île de Dia ( ancien nom de Naxos). »

2. « Quand ils approchèrent de la coste d’Attique, ils furent tant espris de ioye, Theseus et son pilote, qu’ils oublièrent de mettre au vent la voile blanche par laquelle ils dévoient doiîer signifiance de leur salut à Ægeus, lequel voyant de loin la voile noire, et n’espérant plus de reuoir iamais son fils, en eut si grand regret, qu’il se précipita du haut en bas d’un rocher et se tua. »

Plutarque. Thésée,

Ai pater ut summa prospecturn ex arce pelebal Anxia in assidues absuynens lumina flelus,

Quum ]jrimum in/lati prospexit lintea veli,

Prœcipitem sese scopulorum e vertice jecit Arnissum credens immiti Thesea fato.

« Et son père qui, du haut de la citadelle, plongeait au loin ses regards dans l’espace, consumant dans des pleurs incessants ses yeux inquiets, dès qu’il aperçut les contours de la voile gonflée, se précipita du haut des rochers, croyant Thésée moissonné par le cruel destin. » Catulle. LXIV. Epilhalame de Thétis et de Pélée.

Cf. Diodore de Sicile. L. IV, § 61 ; Ovide. Ibis, y. 495; Lucilius Junior. L’Etna, v. 578; Stace. Thébaïde. L. XII, V. 625.

3. ’A privatif; Ttvepôv, aile.

4. Lacon. G. XV.

TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.

67

avaient érigé à Mars une statue dont les pieds étaient enchaînés pour que le dieu ne pût jamais les abandonner. Nous avons vu que Ghandler, ainsi que Stuart et Legrand, ne trouvant point cet édifice qui de leur temps n’existait plus , avaient pris pour lui l’aile gauche des Propylées, et que du véritable temple de la Victoire , dont ils retrouvaient le souve¬ nir seulement dans Pausanias et dans les relations de Spon et Wheler, ils avaient fait le temple d’Aglaure.

Le temple de la Victoire fut démoli par les Turcs, pour établir à sa place une batterie lors du siège de l’Acropole par les Vénitiens en 1687, et les matériaux amoncelés et couverts de terre composèrent l’esplanade sur laquelle furent posées les pièces d’artillerie ; ceci explique comment Spon et Wheler virent le temple intact en 1676, tandis que Stuart et Ghandler n’en trouvèrent plus trace en 1751 et 1765.

En 1835, les architectes bavarois Schaubert et Hansen , démolissant les constructions turques , retrouvèrent intacts presque tous les marbres dont le temple était composé, et, avec une habileté et une patience dignes des plus grands éloges, ils le relevèrent tout entier sur son ancien sou¬ bassement qui était resté en place , et au-dessus d’un magasin à poudre qui avait été pratiqué par les Turcs dans le soubassement^.

plan du temple do la Victoire Aptère.

Ge petit temple, entièrement construit de marbre pentélique, est tétra- style, amphiprostyle et d’ordre ionique. Son stylobate pose sur trois degrés, dont l’inférieur n’avait que 0"‘,075 de saillie, et une hauteur égale au-dessus du dallage. Les deux autres degrés ont 0"*, 22 de hau-

1. K Si, comme on l’a prétendu, le canon des Vénitiens eût renversé le temple, les colonnes et les pierres conserveraient la trace des boulets. Si le magasin à poudre qu’on avait creusé sous ses fondations l’eût fait sauter, MM. Hansen et Schaubert n’eussent pas trouvé intact ce magasin lui- même. )) Beulé. Acropole d’Athènes. I, p. 71.

68

ATHÈNES.

teur sur 0™,3i de profondeur. L’élévation du stylobate est également de 0"b22; sa longueur est de 8'", 26 et sa largeur On retrouve

ici, dans l’angle rentrant des degrés, le petit canal carré que nous avons

«

déjà signalé aux portiques des Propylées. Les chapiteaux des colonnes sont simples et un peu lourds, étant larges pour leur hauteur qui n’est que de 0"’,22 Ils portent encore des traces évidentes de la peinture dont ils étaient décorés, de même que ceux du vestibule des Propylées. Ici, comme aux autres temples ioniques d’Athènes, les architectes, afin que le chapiteau d’angle offrît deux faces semblables, l’une dans le front de l’édifice, l’autre en retour, avaient imaginé de prolonger, en la cour-

Chapiteau d'angle.

bant, la volute angulaire, de façon qu’en retour une volute semblable pût s’accorder avec son pendant. Le besoin de donner deux volutes à chacune des quatre faces du chapiteau les a conduits à introduire dans le chapiteau ionique les doubles volutes qui plus tard devaient figurer comme accessoires dans le chapiteau corinthien. Pour y parvenir, il a fallu, en supprimant le balustre ou coussinet des faces latérales, évaser et creuser chaque côté pour faciliter le doublement des volutes et leur jonction. Cette particularité se retrouve aux Propylées du forum trian¬ gulaire de Pompéi^, ainsi cp’à l’un des plus anciens tombeaux de la Sicile, celui de Théron à Agrigente.

Les fûts des colonnes sont d’un seul morceau et peu galbés; leur diamètre à la base est de 0™, 52 , et au sommet de 0“', hS ; leur hauteur est de 3"', kk, ce qui donne pour mesure totale de la colonne , compris

1. M. Beulé attribue cet effet à la diminution apparente de la force des colonnes par la destruction d’une partie de leurs cannelures.

Une volute de l’un des chapiteaux est au British Muséum, Elgin Saloon, 404,

2. E. Breton. Pompeia, édition, p. 25,

TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.

69

la base et le chapiteau, 3"", 844- Les bases, au temple de la Victoire, ne sont pas moins singulières que les chapiteaux ; elles ont 0"’, 184 de hauteur.

Les colonnes d’angle du portique A étaient réuniçs aux antes B , par un mur à hauteur d’appui, un pluteus, dont la trace est encore visible, sur les bases qui sont seulement dégrossies dans la partie qu’il couvrait. Ce pluteus était surmonté d’une grille qui achevait de fermer le portique par ses deux extrémités.

Tout l’édifice était couronné par une frise haute de 0'",45, et entière¬ ment couverte de bas-reliefs non interrompus. La corniche qui la sur¬ montait a disparu ainsi que les frontons. Malheureusement les côtés sud et ouest de la frise n’ont jamais été entièrement perdus ; compris dans la construction d’une poudrière turque, ils purent être dessinés en partie en 1764 par Pars, compagnon de Revett et Chandler, et publiés par Stuart^. C’est de que lord Elgin les a enlevés pour les porter en Angle¬ terre 2, et ainsi, lors de la restauration du temple, ils n’ont pu, comme les autres bas-reliefs, reprendre leur place primitive. Des copies en terre cuite furent alors envoyées de Londres ; mais la frise du sud a seule été mise en place; celle de l’ouest a été brisée par les ouvriers.

Placés à une faible hauteur, rendus fragiles par la petitesse même de leurs proportions, ces bas-reliefs ont, plus que tous les autres, été exposés aux injures des Barbares qui, tour à tour, ont été maîtres de l’Acropole ; aussi toutes les saillies ont-elles été brisées et presque toutes les figures ont-elle§ perdu leurs têtes, leurs bras et leurs jambes. Il en reste cependant assez pour que nous puissions reconnaître que, par leur style , ces sculptures simples et sévères ont la plus grande analogie

1. T. Il, pl. XLI.

2. British Muséum, Elgin Saloon, n"’ 158, 158*, ICO et ICI.

70

ATHÈNES.

avec celles du temple de Thésée. Cette observation peut nous fournir un renseignement précieux sur l’époque de la construction du temple de la Victoire Aptère.

Nous verrons^ que ce fut par ordre de l’oracle de Delphes que Cimon rechercha et découvrit à Scyros les restes de Thésée, qu’il rapporta à Athènes. A cette époque, dans la 77® olympiade (465 ans avant Jésus- Christ) , fut élevé le temple de Thésée. Ne semble-t-il pas probable , surtout lorsque cette hypothèse est confirmée par la ressemblance des sculptures des deux monuments, que ce dut être à la même époque que les Athéniens, rendant au fils les honneurs qu’il attendait depuis 800 ans, pensèrent aussi à cqnsacrer par l’érection d’un petit temple le lieu témoin du désespoir et de la mort du père , tristes résultats de la plus brillante victoire qui ait été remportée par le héros 2. M. Beulé a réuni, à l’appui de l’opinion qui fait le temple de la Victoire antérieur au siècle de Péri- clès et à la construction des Propylées, diverses autres preuves qui ne nous paraissent pas moins concluantes, et qu’il tire de l’orientation de l’édifice, de sa position bizarre sur la terrasse qui le porte, de la construction de celle-ci, etc.

On n’a retrouvé sur les bas-reliefs du temple de la Victoire aucune trace de peinture ; mais comme on en a reconnu avec certitude la pré¬ sence sur les sculptures du temple de Thésée et du Parthénon , il paraît à peu près hors de doute qu’il en dut être de même ici.

La frise orientale semble représenter une assemblée des dieux, dont le centre est occupé par Minerve , entre Neptune et Jupiter. Les côtés nord et sud offrent des combats entre des personnages nus, des Grecs et des Barbares, des Perses, facilement reconnaissables à leur costume, le même que l’on retrouve dans la fameuse mosaïque de Pompéi ; enfin à l’ouest, les adversaires sont nus de part et d’autre; il y a donc appa¬ rence que la bataille est livrée par les Athéniens à d’autres Grecs. Le sujet de ces compositions a donné lieu à bien des conjectures, parmi lesquelles il serait difficile de déterminer la véritable avec certitude.

1. Chap. V.

2, Hermann Hettner {Athen und der Pelopones) place, comme nous, à l’époque de Cimon la fon¬ dation de ce temple. Si cette conjecture était vraie, on pourrait attribuer à Micon les sculptures de la frise, qui, ainsi que nous l’avons dit, ont, par leur caractère, beaucoup de rapport avec celles du temple de Thésée dues au ciseau de ce grand artiste.

TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.

Stuart, trompé par les longues robes des Perses et par un seul bouclier échancré que porte l’un des personnages, a vu dans les frises latérales des combats d’amazones; selon lui, la frise du posticum représente le combat dans lequel furent tués Eumolpe et son fils. MM. Ross, Schau- bert et Hansen voient dans cette suite de bas-reliefs la double victoire remportée par Gimon à l’embouchure de l’Eurymédon, oubliant que l’une de ces victoires fut remportée sur mer, et qu’on chercherait vainement ici l’indication d’un navire. Leake enfin y reconnaît les batailles de Marathon et de Platée, sans qu’aucun détail puisse préciser ces batailles plutôt que toute autre victoire remportée sur les Perses.

Le posticum ou portique occidental ^ est en moins bon état de conser¬ vation que celui de l’est. La colonne de l’angle sud-ouest, longtemps absente, même après la restauration du temple, n’a été relevée que récemment, en y ajoutant une assise, un chapiteau et une partie d’archi¬ trave simplement massés. La colonne voisine de celle-ci a été complétée de la même manière, au moyen d’une base et d’un tambour; enfin, une petite portion de fût a aussi été rétablie à la troisième colonne.

Le portique de la façade orientale A n’est profond que de i'",50. Son plafond ou soffite existe encore en totalité, aussi bien que celui du posticum. Entre chacune des poutres de marbre qui le soutiennent, est

Caissoa du soffite.

une grande dalle' pércée de six petits caissons très -simples, et qui ne sont autre chose que des trous carrés avec une petite moulure au fond.

Au fond du portique, le mur de face de la cella est percé de trois

I. Voy. pl. II.

7? ATHÈNES.

baies D E D, séparées par deux piliers larges seulement de 0"’,25 et profonds de 0”, 49

La baie centrale, la grande porte G, est large de Les deux

baies latérales D, larges seulement d’un mètre, ont un seuil élevé de 0"*, 22 , dans lequel sont des entailles carrées qui semblent indiquer qu’elles étaient fermées par une grille en bois ou un volet. Lorsqu’on a franchi la porte, on se trouve dans l’intérieur de la cella F, profonde de 3'", 75 et large de 4'", 21. Le plafond est entièrement détruit. Ce sanctuaire renfermait une très-ancienne statue de la déesse, un simulacre de bois, qui, comme nous l’apprennent Suidas et Harpocration , tenait de la main droite une grenade et de la gauche un casque.

Les murs de la cella ne conservent aucune trace d’ornement, mais dans cette étroite enceinte sont déposés des bas-reliefs qui peuvent être placés au nombre des plus merveilleuses productions de l’art grec, et qui servaient, ainsi que nous l’avons dit, de garde-fous à la terrasse du temple et d’ornement au grand escalier des Propylées.

Le bas-relief le plus considérable représente une Victoire retenant

victoires.

avec peine un taureau furieux que précède une autre Victoire ; sur la ceinture des deux déesses , de très-petits trous indiquent l’ancienne

1. « Ces piliers, remarque M. Beulé, sont minces et paraissent grêles; mais l’architrave qu’ils portent est assez légère pour qu’ils soient moins une nécessité de construction qu’un ornement qui encadre 1 entrée, à droite et à gauche ; masqués du reste par les colonnes du portique, ils ne peu¬ vent être vus que de côté, et leurs côtés précisément ont beaucoup plus de largeur. »

TEMPLE DE LA VICTOIRE APTÈRE.

73

existence de quelque ornement de métal. Des trous du même genre peuvent être observés sur d’autres fragments appartenant à la même suite.

Une Victoire déliant ses sandales n’a malheureusement plus de tête,

mais on ne saurait assez admirer la grâce et la vérité de sa pose, l’élé¬ gance de ses draperies ; sur le fond un pinceau , moderne sans doute , a tracé hardiment au minium une mèche de cheveux qui a beaucoup exercé la sagacité des archéologues qui ont oublié que, si ce trait eût été antique et se fût conservé sur une surface plane que rien ne proté¬ geait, bien d’autres traces de peinture existeraient dans les plis de la sculpture ils eussent été à l’abri de la plupart des causes de destruc¬ tion. D’ailleurs, ce trait fort visible n’a été signalé que longtemps après la découverte du bas-relief j et, s’il eût existé dès le principe, il n’eût pu échapper aux regards des premiers investigateurs. Laissons donc de côté cette mystification , œuvre de l’un des nombreux artistes qui chaque jour viennent travailler dans l’enceinte de l’Acropole, et ne prêtons pas à rire à son auteur qui probablement existe encore.

Signalons enfin une autre Victoire fort mutilée, qui paraît avoir pré¬ senté une couronne. D’autres fragments moins importants ont été décou¬ verts successivement, et quelques-uns sont dus aux fouilles de M. Beulé.

Dans ces bas-reliefs, on chercherait en vain la sévère simplicité des

74

ATHÈNES.

sculptures du temple de Thésée, du temple de la Victoire Aptère ou du Parthénon. Des mouvements plus violents, des poses plus recherchées, un fini plus précieux annoncent un art plus raffiné , plus voisin , comme le dit M. Beulé, de l’époque de Lysippe^ que de celle de Phidias. Adoptons donc avec lui l’opinion de M. Ross, qui croit que cette brillante décoration de l’escalier des Propylées peut dater du gouvernement de Lycurgue , cet orateur qui , prenant Périclès pour modèle , enrichit Athènes d’un grand nombre de monuments.

Il serait bien difficile de préciser la pensée qui a présidé à la compo¬ sition de cette suite de bas-reliefs. Jouissons du charme de ces délicieuses sculptures et restons dans ce doute poétique si bien exprimé par M. Beulé. « Ces Victoires qui s’envolent, arrivent, se posent sur l’Acropole, délient leurs sandales, sont levées, sont assises, tendent des couronnes, repré¬ sentent-elles un seul mythe, une seule action? ou bien accourent-elles des différents points du monde , et viennent-elles se ranger autour de la grande Victoire , de Minerve dont elles sont les messagères ? Quand le peuple athénien monte l’escalier des Propylées, lui disent-elles, par leur pose allégorique, par des inscriptions, ou par la seule force de la tradition : Je suis Marathon, je suis Salamine, je suis l’Eurymédoii; je viens de Thrace, je viens de Lesbos, je viens de Sphactérie, flatteurs muets que l’on imitait moins éloquemment à la tribune du Pnyx ! » Avenue du Parthénon. Lorsqu’on a franchi les Propylées, et qu’on arrive sur l’esplanade de l’Acropole,, on trouve, faisant suite au passage central, un chemin dont le sol a été strié pour faciliter la marche des animaux. Ce chemin obliquait au sud vers le Parthénon , et sa direction est indiquée, à droite, par un canal creusé dans le roc pour la conduite des eaux, et par de nombreuses cavités carrées ou oblongues, également taillées dans le roc, et ayant contenu des piédestaux et des stèles qui bordaient cette espèce de voie sacrée. A gauche, rien ne trace la limite de la chaussée dont la largeur ne peut être déterminée.

Piédestal. A droite du chemin, à 3"‘,60 en avant du piédestal de Minerve Hygiée (plan de l’Acropole, c), senties ruines d’un autre pié¬ destal bien plus considérable, Il ne reste de ce monument que le

1. 3C8 à 317 avant Jésus-Christ.

2. Voy. la lettre en tAte du chapitre.

SANCTUAIRE DE DIANE BRAURONIA.

75

socle long de 2’", 60 en tous sens, et du côté sud-est une faible partie du revêtement de marbre du piédestal lui- même, composée de deux dalles en équerre, ayant à partir du socle 0"’,88 de hauteur et réunies par un crampon qui sans doute était caché par la plinthe de la statue. Le piédestal n’occupait sur le soubassement qu’une superficie de i'",92 sur et laissait ainsi vers l’ouest une sorte de degré large de 0"’,8i.

Cette circonstance suffirait seule pour faire reconnaître dans le monu¬ ment un piédestal et non point un autel, comme l’ont avancé quelques auteurs qui ont cru y voir celui qui, selon Plutarque, existait en effet près du piédestal de Minerve Hygiée^. Un autel eût nécessairement fait face à la statue de la divinité adossée aux Propylées, tandis qu’ici le sacrificateur lui eût tourné le dos. Du reste, le style même des moulures annonce une époque de décadence, à laquelle appartient aussi une tête colossale trouvée en ce lieu , et qui doit provenir de la statue que portait le piédestal. Cette tête, coiffée d’une grosse natte et déposée aujourd’hui sous le portique de l’aile gauche des Propylées, près la porte de la Pina- cothèciue, est, autant qu’on peut en juger, malgré la mutilation du nez, une tête féminine. Sans être absolument mauvaise, cette sculpture ne peut être l’œuvre d’un ciseau grec et nous semble évidemment romaine.

Sanctuaire de Diane Brauronia. Au sud et à quelques pas du pié¬ destal d, se trouve une muraille eh, de construction hellénique, faisant un angle obtus avec la muraille cyclopéenne g, dont nous avons parlé, et soutenant comme elle un terre-plein, une terrasse ayant formé le sanctuaire de Diane Brauronia N. La muraille eh est continuée par le rocher taillé verticalement vers la partie h f, et au pied de celui-ci on voit encore dans le sol la trace de nombreuses stèles. En suivant le rocher jusqu’au point f, il est interrompu, on trouve à droite l’escalier i, dont les huit marches très-douces, très-usées et taillées dans le roc, conduisaient au sanctuaire N, et étaient bordées de piédestaux, de stèles, dont on voit les creux dans le rocher. On arrivait aussi au bas de ce perron par quelques degrés larges de 1'", 85 , une sorte de rampe a cordoni, décrivant une courbe partant de la voie principale et taillée également dans le roc.

Au delà de l’escalier, il ne reste presque plus de traces de l’enceinte

1. Vie de Périclès. XIII.

76

ATHÈNES.

da sanctuaire. « Les autres choses que j’ai remarquées dans la citadelle d’Athènes, dit Pausanias^ sont un enfant de bronze fait par Lycius, fils de Myron; il tient un vase d’eau lustrale; Persée venant de couper la tête de Méduse, par Myron lui-même ; le temple de Diane Brauronia avec la statue de la déesse, par Praxitèle. Ce surnom de Diane vient de Brauron, bourg de l’Attique, se trouve l’ancienne Diane en bois qui était j dit-on, dans la Tauride^. Parmi les offrandes se trouve aussi le cheval Durien^ en bronze. A moins de croire les Phrygiens absolument dépourvus de bon sens , on sera convaincu que ce cheval était une machine de guerre inventée par Épéus , pour renverser les murs de Troie. Les Grecs les plus vaillants se cachèrent, dit-on, dans ce cheval, et c est ainsi qu il est représenté en bronze , car vous en voyez sortir Teucer, Ménesthée et les deux fils de Thésée. »

Bien que ce passage de Pausanias ne nous apprenne pas d’une manière positive si les divers monuments qu’il indique étaient groupés dans la même partie de l’Acropole, on peut cependant croire que, selon toute apparence, il en était ainsi, d’autant plus que Pausanias suit dans sa description un ordre méthodique , et qu’ordinairement il signale les monuments à mesure qu’il les rencontre dans le cours de sa visite , commencée par le sud, et terminée par le nord de l’Acropole. La statue de 1 enfant tenant un vase d’eau lustrale ne pouvait être mieux placée qu’à l’entrée du sanctuaire"^. Cette figure et celle de Persée tenant la tête de Méduse, ayant dans leur composition quelque analogie, appar¬ tenant à la même école, étant enfin toutes deux de bronze et l’œuvre de Myron et de son fils, M. Beulé croit qu’elles durent se faire pendant, et il les place au haut de l’escalier de l’enceinte , tandis qu’aux extré¬ mités de la marche inférieure je trouve l’indication de deux petits pié¬ destaux qui pourraient bien les avoir supportées. Du reste, j’ai peine à

1. Ait. c. XXIII.

2- « Brauron est à quelque distance de Marathon ; c’est qu’Iphigénie, fille d’Agamemnon, fuyant la Tauride avec la statue de Diane, arriva, dit-on; elle y déposa la statue et se rendit à Athènes, puis à Argos. » Pausanias. Att. C. XXXIII,

« Pour toi, Iphigénie, tu dois, sur les hauteurs sacrées de Brauron, devenir prêtresse de la déesse. » Euripide. Iphigénie en Tauride, v. 1435.

3. Aoupsioç ou Aoupioç, de bois, nom du cheval de Troie dont celui-ci rappelait le souvenir.

4. Le vase à eau lustrale qu’a remplacé notre bénitier est placé ainsi auprès de la porte du temple d’Isis, à Pompéi.

PIÉDESTAL DU CHEVAL DURIEN.

77

admettre que les anciens, si curieux de la proportion et de la symétiâe, aient pu placer en pendant un enfant et un homme deux fois plus grand, ou un enfant de grandeur naturelle avec un homme de proportion réduite.

C’est dans l’angle sud-est de l’enceinte que, suivant M. Beulé, idut exister le sanctuaire ou petit temple de Diane Brauronia 0^; l’inspection des lieux confirme cette hypothèse, et on y voit encore un massif formé de gros blocs rectangulaires de tuf qui ont du faire partie du soubasse¬ ment de l’édifice. i

Parmi les fragments trouvés dans cette enceinte, ou dispersés sur la surface de l’Acropole, M. Beulé a retrouvé des chapiteaux ioniques très- élégants, et divers tronçons de colonnes qu’il croit avoir pu appartenir au petit temple de Diane Brauronia. Nous ne pouvons que nous associer au vœu qu’il émet de voir ces débris réunis fournir les éléments d’une restauration qui pourrait être tentée par l’un des architectes qui sans cesse étudient les monuments de l’Acropole. i

Piédestal du cheval Durien. Dans la même enceinte, à l’ouest du temple, gisent à terre deux blocs de marbre pentélique 0' de 0'“,85 de large, i"',75 de longueur, et 0'",40 d’épaisseur ; ils ont été dérangés, car l’inscription qu’ils portent est renversée, et, de plus, on remarque sur leur surface supérieure actuelle, autrefois tournée vers la terre, des traces de scellement qui prouvent que les blocs avaient été retournés pour leur faire porter quelque autre monument. Un troisième bloc com¬ plétait le piédestal. Cette base était celle qui portait le cheval Durien, ce bronze colossal consacré en mémoire du cheval de Troie. Rien dans l’inscription ne nous l’eût appris, car on y lit seulement :

XAIPEAEMOS EYAriEAO EK KOIAES ANE0EKEN

STPorrrAioN eiioiexen

« Chærédème, fils d’Évangélus de Cœlé, a consacré. Strongylion a fait 2. »

Mais à l’occasion de ces mots d’Aristophane : « Les murailles sont

1. Dans le temple de Diane, à Athènes comme à Brauron, on immolait une chèvre à la déesse, et on lui présentait les jeunes filles avant leur mariage; il existait une loi qui leur défendait de se marier sans avoir satisfait à cette cérémonie.

« A dix ans, revêtue d’une robe jaune flottante, je fus consacrée à Diane dans les Brauronies. »

Aristophane. Lysistrate, v. 645.

« Les Brauronies se célébraient tous les cinq ans, sous la direction de dix citoyens appelés UpoTioioî. » PoLLux. Onomast. L. VIII, c. 9.

2. Ce sculpteur est bien connu par divers ouvrages cités par Pausanias et Pline, tels que la statue

78

ATHÈNES.

achevées ; telle est leur largeur que Proxénide le fanfaron et Théagène y feraient passer deux chars de front, les chevaux fussent-ils aussi grtlnds que le cheval de Troie, oaov 6 Aoupio; » le scholiaste ajoute : (< Il y avait dans l’Acropole le cheval Durien avec cette inscription : Chterédème, fils d’Évangélüs de Cœlé, a consacré. »

La comédie des Oiseaux fut jouée la deuxième année de la 91‘^ olym¬ piade (415 avant Jésus-Christ) ; l’érection du cheval Durien est donc antérieure à cette époque.

« Tout l’espace qui entoure le cheval Durien, dit M. Beulé 2, est couvert d’énormes fragments des Propylées lancés au loin par l’explo¬ sion, de piédestaux se voient encore les empreintes des pieds et le bronze du scellement, de morceaux de marbre qui n’ont plus de forme ni de nom. »

Nous ne passerons pas ici en revue avec ce savant archéologue les diverses inscriptions découvertes dans l’enceinte de Diane Brauronia; Ohcore moins les monuments qu’avec sa sagacité habituelle il prouve avoir y exister. Ce serait sortir du cadre plus modeste que nous nous sommes tracé, et dans lequel rentrent seulement les monuments les plus importants et ceux qui sont parvenus jusqu’à nous. Une statue de femme et deux curieuses colonnes que M. Beulé indique comme existant dans l’enceinte de Diane en ont été enlevées, et nous les retrouverons au pied des degrés qui séparent l’enceinte de Minerve Ergané du péribole du Parthénon. Un joli petit ours assis, en marbre, trouvé également dans l’enceinte de Diane, est aujourd’hui déposé dans le musée de l’aile gauche des Propylées. Enfin, nous ne décrirons pas non plus les innombrables débris que l’on a amoncelés dans cette enceinte, en en formant des espèces de murailles et laissant en vue les parties sculptées. Ces fragments perdent beaucoup de leur intérêt par l’ignorance, à laquelle on est condamné aujourd’hui , du lieu ou du monument dont ils proviennent.

Enceinte de Minerve Ergané. A l’ouest du postieum du Parthénon

de Diane àMégare, trois muses à l’Hélicon, l’Amazone aux belles jambes, Eüxvy)(j.oç, que Néron faisait porter partout avec lui, enfin un jeune enfant, statue favorite de Brutus de Philippes.

Paüsanias. Att. C. XL, et Bæot. C. XXX. Pline. Hist. nat. L. XXXIV, c. 19, § 32.

1. Aristophane. Les Oiseaux, v. 1128.

2. Acropole d'Athènes. 1 , c. XI.

ENCEINTE DE MINERVE ERGANÉ. 79

et à l’est de l’enceinte de Diane Brauronia, MM. Ross, Ulriclis, Raoul Rochette et Beulé reconnaissent celle qui était consacrée à Minerve Ergané (plan, P) , formant également une terrasse; elle était accessible du côté du nord par un escalier ouvrant sur la voie qui conduisait des Propylées au Parthénon.

« Les Athéniens, dit Pausanias ont les premiers donné à Minerve le surnom d’ Ergané 2. » M. Beulé cite un grand nombre d’inscriptions trouvées dans l’enceinte dédiée à cette déesse. Quant au sanctuaire lui- même, on reconnaît seulement vers le sud de grandes dalles encore en place (plan, Q), qui durent en former le soubassement, et, parmi les débris innombrables qui jonchent le sol, on retrouve quelques frag¬ ments doriques de petite proportion qui ont pu lui appartenir. Au même lieu, en 1839, on a découvert une base portant cette dédicace à Minerve Ergané :

<I>IAHMOi\

ItI>IKAEOrS

OINAIOi:

A0HNAAI

EPTANEI

ANEOHKEN

« Philémon, fils dTphiclès, de la tribu Œnéide , a consacré à Minerve Ergané »

En avant du temple sont les restes d’une sorte de base commune, ou plutôt de plate-forme qui portait les statues d’une famille inconnue, mais sans doute fort riche, puisque les inscriptions à côté des noms obscurs de Pasiclès, de Myron de leurs femmes, de leurs filles, indiquent comme auteurs des statues de ces personnages deux des grands sculpteurs de l’antiquité grecque, Sthénis et Léocharès, qui floris- saient, l’un vêts la 114® olympiade (324-321 avant Jésus-Christ) et l’autre vers la 102® (372-369 avant Jésus-Christ) , et dont les ouvrages sont cités avec éloge par Pline. M. Beulé suppose que ces statues, recommandables par le travail, sinon par la célébrité des modèles, furent emportées à Rome dès le temps des premiers empereurs, comme la

1. Att. C. XXIV.

2. ’EpyàvY], ouvrière, qui préside aux travaux.

(( Les araignées ignorent et dédaigneraient d’apprendre l’art d’ourdir et de faire de la toile, ainsi que les autres arts inventés par Minerve Ergané. » Ælien. Hist. div. L. I, c. 2.

3. Plusieurs autres inscriptions provenant également de l’Acropole, et publiées par M. Lebas dans son Voyage archéologique, font mention de Minerve Ergané.

4. Ce Myron n’a, bien entendu, rien de commun avec le célèbre artiste du môme nom.

80

ATHÈNES.

plupart des statues da l’Acropole qui n’avaient point un caractère reli¬ gieux. « La preuve de ce fait, ajoute-t-il, est écrite sur leurs pié¬ destaux, qui ont été retournés pour recevoir de nouvelles inscriptions et des statues romaines : ici César Auguste, Germanicus César, plus loin l’empereur Trajan , puis Adrien » Un piédestal plus grand que les autres semble ne pas avoir porté la statue à laquelle il était destiné; il était resté inachevé, et son de tuf n’avait pas même encore reçu son revêtement de marbre.

Le côté oriental de l’enceinte était encore occupé naguère par une grande citerne parallèle à sa muraille, et dont la construction rèmontait seulement au xiv® siècle. La destruction de cette citerne en 1859 a mis entièrement à découvert six degrés ou gradins taillés dans le roc que surmontait autrefois un mur, sans doute à hauteur d’appui, formant la limite de l’enceinte de Minerve Ergané et du péribole du Parthénon, c{ui, du côté du posticum, ne conservait ainsi qu’une largeur de 7 mètres seulement. Ces gradins, très-peu profonds, n’étaient point destinés à être gravis ; ils formaient une sorte d’amphithéâtre, j’oserais presque dire d’étagère, étaient exposés de nombreuses stèles et des ex-voto dont les cavités sont encore visibles dans chaque degré.

Colonnes d’Eortios et de Timothée. Aux extrémités du second gra¬ din, on a placé récemment les deux colonnes que nous avons dit avoir été trouvées dans l’enceinte de Diane Brauronia, et leur sommet est de niveau avec la plate-forme du péribole du Parthénon ; ces deux colonnes ^ sont d’un seul morceau, mais les bases sur lesquelles on a érigé leurs fûts appartiennent à l’époque byzantine. Les chapiteaux à peine dégrossis sont du travail le plus barbare. La colonne de gauche porte gravée ver¬ ticalement sur son fût en caractères archaïques, que IVt. Beulé pense pouvoir remonter à l’époque des guerres médiques, c’est-à-dire au commencement du siècle avant Jésus-Christ, cette inscription qui nous apprend qu’elle était surmontée d’une statuette de Minerve :

^ OfïTlO^ HA lOCD^ lAA^ A

Ata©^ czaAi

« Eortios et Opsiades ont consacré comme prémices à Minerve. »

1. Acropole d'Athènes. T. I, p. 320.

2. Voy. la vignette à la fin du chapitre.

COLONNES D’EORTIOS ET DE TIMOTHÉE.

81

L’inscription gravée, non sur la colonne, mais sur le chapiteau de la colonne de droite, ne nous fait pas connaître à quelle divinité le monu¬ ment avait été dédié ; elle ne se compose que de ces deux mots :

Tl MOO A/Va CD U y

« Timothée Anaphlystien , » désignation du donataire.

Non loin de là, on a dressé sur un piédestal une statue sans tête, trouvée également dans l’enceinte de Diane Brauronia. Cette figure, en marbre de Paros, est celle d’une femme debout ayant près d’elle un enfant nu : le travail indique un artiste d’un talent médiocre, ou d’une époque de décadence. On croit que ce groupe représente Pandrose et Érechthée, mais rien ne prouve la réalité de cette conjecture, que semble démentir le lieu fort éloigné de l’Érechthéion il a été dé¬ couvert. '

Lorsque l’on sort de l’enceinte de Minerve Ergané, on trouve encore en place, vers l’angle nord-ouest du Parthénon, un piédestal K, qu’une inscription d’époque romaine nous apprend avoir porté la statue d’un certain Flavius Gonon, fils de Gonon, peut-être un descendant du vain¬ queur de Pisandre, du conquérant de Cythère.

Colonnes d’Eortios et de Timothée.

f)

I A Ç A 11 E O n I E N T A E E 0 V P A R T H N O i\ .

CHAPITRE 111

PARTHÉNON.

PARTIE ORIENTALE DE l’aCROPOLK. TEMPLE DE ROME ET ü’aUGUSTE, MUSÉE DE l’acropole.

OU S voici enfin arrivé au Parthénon, ce chef- d’œuvre inimitable de l’art antique, cette éternelle étude, cet éternel désespoir des architectes de tous les temps et de tous les pays.

(( Le Parthénon, dit Hésychius, était un temple de cent pieds , É/.aTojjLTrs^oç vewç , bâti dans 1 Acropole par les Athéniens, plus grand de Chapiteau du Parthénon. ciiiquante plecls que celui brûlé par les Perses » Hérodote ne parle pas de ce premier temple, mais nous verrons qu’il

I. Hesychii Lexic., in verb. 'E/aTÔ[j.7:£&oç.

Intérieur de l’Opisthodome.

84

ATHÈNES.

n’était point encore achevé à l’épocjue de sa destruction ; il n’était sans doute pas consacré, et le célèbre historien a pu le passer sous silence, se bornant à signaler le temple de Minerve Poliade, alors le plus révéré des Athéniens, sanctuaire qui, en l’an /i.80 avant Jésus- Christ, fut également incendié par les soldats de Xerxès, comme tous les autres édifices de l’Acropole.

Le Parthénon avait reçu son nom, soit comme un hommage rendu à la chasteté de la déesse, soit, comme l’ont cru quelques auteurs, parce qu’il avait été consacré par les filles d’Erechthée, désignées sou¬ vent sous le nom de napôévoi, Yierges. Si cette dernière supposition était vraie, il faudrait admettre que dès les temps fabuleux il existait sur l’Acropole un sanctuaire qui, probablement à l’époqne de Pisistrate, c’est-à-dire au vi® siècle avant Jésus-Christ, eût été remplacé par le temple que détruisirent les Perses , et qui était resté inachevé, peut-être par suite de l’expulsion des Pisistratides en l’an 510.

Nous avons dit ^ cjue le fragment d’entablement avec triglyphes employé par Thémistocle dans la hâtive restauration du mur septen¬ trional de l’Acropole provenait , selon toute apparence , de l’ancien Parthénon. M. Beulé assigne la même origine aux tronçons de colonnes plus ou moins achevés, compris dans la même muraille. La plus sérieuse objection contre cette hypothèse pourrait être tirée du diamètre de ces tambours à peine inférieur à celui des colonnes du Parthénon de Péri- clès, ce qui semble au premier abord s’opposer à ce qu’ils aient appartenu à un temple moitié plus petit; mais M. Beulé fait remarquer avec raison qu’à l’époque reculée de la construction du vieux Parthénon, les colonnes avaient encore un diamètre hors de proportion avec le peu d’élévation de leur fût et la grandeur du temple. L’ancien Parthénon dut n’avoir, suivant l’usage du vi® siècle, cjue six colonnes à la façade et treize ou quatorze colonnes sur les côtés.

Dans le petit musée de l’Acropole, nous verrons un grand nombre d’objets qui appartinrent sans doute au vieux Parthénon, ainsi que l’indique l’ancienneté de leur style, ou qui, du moins, ont été trouvés autour de l’emplacement qu’il occupait.

Le nouveau temple que fit élever Périclès est le premier monument

i. Pages 19 et 32.

PARTHÉNON.

85

qui frappe les regards, de quelque côté qu’on arrive à Athènes; on I aperçoit dès l’entrée du golfe d’Égine. Sous la direction de Phidias^, les deux plus habiles architectes de l’époque, Ictinus et Callicrate, furent chargés de son érection 2. On n’a point de renseignements positifs sur l’époque de son achèvement, mais on sait que la Minerve colossale de Phidias y fut placée en l’année 437 avant Jésus-Christ; il est facile d’en conclure que le temple était alors terminé. Nous avons vu que les Propylées n’avaient été commencés que l’année suivante.

Le Parthénon subsista longtemps presque intact. Au vu® siècle, les chrétiens en avaient fait une église dédiée, comme la basilique de Constantinople, à la Sagesse divine^, conservant ainsi sous le nouveau vocable un souvenir de la consécration première du temple à la déesse de la Sagesse. Plus tard, les Turcs, maîtres d’Athènes, bâtissant une mosquée dans son enceinte, l’avaient respecté également ; seulement, de temps à autre, les habitants broyaient quelques fragments de marbre pour en faire de la chaux. Spon et Wheler, pendant leur séjour dans l’Attique, en 1676, eurent le bonheur de le voir tout entier. Peu de temps après, le provéditeur Morosini, qui, depuis, fut doge, et le feld- maréchal suédois, comte de Kœnigsmarck, qui commandaient les Véni¬ tiens, alors en guerre avec la Turquie, vinrent assiéger Athènes'^. Les Turcs avaient fait du Parthénon un magasin de poudres, et, les assié¬ geants ayant malheureusement appris cette circonstance de la bouche d’un transfuge, le temple devint dès lors le point de mire toute leur artillerie. Un lieutenant lunebourgeois , habile pointeur, s’offrit pour diriger les mortiers, et bientôt, dans la soirée du 26 septembre 1687, une bombe, partie du Pnyx, mit le feu aux poudres, et le pavé brisé du Parthénon indique encore le lieu elle tomba. L’explosion coupa, pour ainsi dire, le monument en deux parties; tout le côté oriental de la

1. Phidias dut naître au début des guerres médiques, vers l’an 490 avant Jésus-Christ, et être par conséquent âgé d’environ cinquante ans lorsqu’il commença les travaux du Parthénon.

2. Vitruve (L. VIL Préface) nous apprend qu’Ictinus avait composé avec Carpion un livre sur le Parthénon, ouvrage dont on ne saurait assez déplorer la perte. C’est aussi à Ictinus qu’on devait le

temple d’Apollon Épicurius à Phygalic en Arcadie, temple qui a été retrouvé presque en entier en 1812.

3. La sainte Sophie, 'Ayia Xoçia.

^ 4. M. Bründsted,.dans son Voyage en Grèce, donne un récit très-circonstancié de ce siège qui fut si fatal aux monuments d’Athènes et surtout au Parthénon.

S(i

ATHÈNES.

cella, huit colonnes de l’aile septentrionale du péristyle, six de l’aile méridionale, la plupart des murs, et enfin toutes les sculptures appar¬ tenant à ces différentes parties de l’édifice, furent anéantis ou ren¬ versés^.

Le fronton oriental avait déjà voir une partie de ses sculptures endommagées lorsque les chrétiens, pour laisser pénétrer plus librement la lumière dans l’abside du Parthénon transformé en église, en avaient abattu la partie supérieure. C’est ainsi échancré que ce fronton se pré¬ sente dans le grossier dessin exécuté pendant le siège de 1687 par le capitaine ingénieur Verneda^.

Morosini, dans le dessein d’enrichir sa patrie des dépouilles de ce merveilleux monument, contribua encore à sa ruine, en voulant faire enlever du fronton oriental la statue de Minerve, son char et ses che¬ vaux; par la maladresse des ouvriers, ces chefs-d’*œuvre furent précipités et brisés en mille pièces^.

Depuis ce désastre, le Parthénon semble avoir cessé d’être regardé comme un monument public. On éleva seulement dans la cella, un peu vers le sud, une petite mosquée placée obliquement par rapport au plan du temple, sans doute pour lui donner la direction de la Mecque mais on brisa les marbres pour les employer à la construction de cette

1. « L’amas de matières explosibles était sans doute placé au centre de la cella, et un peu plus à

l’est qu’à l’ouest, si l’on en juge d’après les parties ruinées du bâtiment. Les murs du sanctuaire, y compris celui qui le séparait de la salle de l’opistliodome, furent renversés, et avec eux les trois quarts de la frise de Phidias, toutes les colonnes du pronaos, excepté huit colonnes du péristyle du nord, et six au sud; mais, quand on parle d’un mur de 350 pieds de longueur sur 40 de hauteur, formé de blocs de marbre de 3 pieds d’épaisseur et de 6 pieds de longueur, quand on dit vingt et une colonnes hautes de plus de 30 pieds, composées chacune de onze tambours de marbre, on n'a donné qu’une faible idée de cet épouvantable bouleversement. Il faut encore se représenter l’admirable et énorme architrave cjui surmontait les colonnes, ces blocs de marbre sculptés en caissons, et ces dalles assemblées en toit qui couvraient , les unes le péristyle , les autres l’intérieur du temple, et qui, comme un coup de foudre, vinrent fondre à la fois sur le sol et s’accumulèrent en désordre. L’explo¬ sion fut si forte qu’elle lança des débris du temple jusque dans le camp des assiégeants, c’est-à-dire, à l’est, jusqu’au pied de la forteresse. Quelque violente que fût la commotion, elle n’atteignit cepen¬ dant pas les statues des frontons; des parties seulement déjà altérées par le temps eurent à souffrir de l’ébranlement. » L. de Laborde. Athènes aux xv% xvi'- ef xvii® siècles. T, II, p. 151.

2. Ce dessin a été reproduit par M. L. de Laborde dans le second volume d’Athènes aux xv% xvi® et XVII' siècles.

3. Ce siège, si funeste à l’art, ne profita guère aux Vénitiens, qui furent obligés d’évacuer l’Acro¬ pole et la ville dès le 4 avril 1688.

4. La mosquée, ainsi que le minaret élevé également par les Turcs, à droite du poslicum, a été démolie depuis la guerre de l’indépendance.

EXTÉRIEUR J)U PARTE RNON.

87

nouvelle mosquée, aux réparations des maisons et des murailles de la forteresse. « Les petites maisons turques, grossières échoppes de bois et de torchis, avaient envahi l’enceinte sacrée; s’appuyant aux colonnes^, remplissant les portiques, elles étaient comme une lèpre hideuse atta¬ chée au divin édifice. On comptait jusqu’à quatre cents de ces baraques informes au sommet de l’Acropole^. Dans cet état de désolation se trouvait le plus beau monument du monde, on ne pouvait contempler ses frontons, ses métopes, ses frises sculptées qu’avec un embarras extrême. Il fallait que la difficulté fût bien grande pour qu’un obser¬ vateur comme M. de Chateaubriand eût pu écrire dans son Itméraire^, à propos du Parthénon, cette phrase inconcevable : « Des morceaux de sculpture excellents, 7nais du siècle d’Adrien^ époque du renouvellement de l’art, occupaient les deux frontons du temple » Une pareille erreur, excusable jusqu’à un certain point chez un simple littérateur, cesse de l’être chez un artiste, et pourtant elle avait déjà été commise par l’architecte Leroy

Extéuielr du Parthénon. Le Parthénon est entièrement construit de ce beau marbre blanc que fournissait la montagne du Pentélique qiii s’élève à quelques milles seulement au nord d’Athènes. Il repose sur un stylobate formé de trois degrés. Ces degrés ont tous une profondeur égale de 0"’,70, mais les deux inférieurs ont 0'",52 de hauteur et le supérieur' 0'", 55. On voit que par leur élévation ils étaient en quelque sorte inaccessibles et n’avaient jamais pu servir de marches pour monter au temple. Pour les rendre praticables, on avait formé à la façade orientale trois escaliers, N, M, N, composés d’une marche intercalée entre chaque degré en avant de l’entre-colonnement central et des deux avant-derniers entre-colonnements. Les marches intercalées ont disparu,

1. Aujourd’hui l’Acropole u’a plus d’autres habitants que quelques invalides, ses gardiens. « La chouette, dit Ed. About dans sa Grèce contemporaine, habite toujours la ville de Minerve, mais elle n’y règne plus. L’Acropole est habitée en été par une charmante espèce d’épervier qu’on appelle la cï’écerellette. Ce petit oiseau de proie ne poursuit pas d’autre gibier que les sauterelles; cependant il ne manque pas de courage; lorsqu’il arrive au mois d’avril, il commence par délivrer l’Acropole de tous les corbeaux dont elle est infestée. »

On disait : porter des chouettes à Athènes, comme nous disons ; porter de l’eau à la rivière. Cette locution était devenue proverbiale. V. Lucien. Nigrinus. Aristophanf. Les Oiseaux, v. 302.

2. Itinéraire de Paris à Jérusalem. Partie I.

3. Rangabé. Antiquités helléniques.

4. Ruines des plus beaux monuments de la Grèce. In-folio. 1770.

88

ATHÈNES.

mais leur trace est encore parfaitement visible sur le marbre des degrés. L’escalier principal M avait /i'",295, largeur égale à la distance d’un centre de colonne à l’autre. Les deux petits escaliers N N n’avaient que 1"', 50 de largeur.

Jlw

Plan antique du Parthénon.

Le Parthénon est dorique, octastyle périptère et hypœthre; sa lon¬ gueur, prise au sommet des degrés, est de 69 mètres ; sa largeur de 31 mètres. Les ailes GH et I K ont dix -sept colonnes en comptant deux fois les colonnes d’angle , et les façades G K et H I seulement huit, moins de la moitié, disposition qui paraît avoir été généralement observée par les Grecs. Les Romains firent leurs temples beaucoup moins longs.

La longueur extérieure de la cella A B CD, non compris les antes qui font saillie à ses deux extrémités, est de /i7'",30; la largeur de 21"’, 70. L’intérieur est divisé en deux parties d’inégale grandeur. La princi¬ pale E est le temple, ou vaà;; l’autre, à laquelle on entrait par la façade postérieure et le posticum O était l’opisthodome, oTriGÔo^op; 2^ que Leroy et quelques autres ont pris pour le pronaos ^ P, trompés par la nouvelle destination que lui avaient donnée les chrétiens, en chan¬ geant l’orientation du temple dont, suivant le rite, la façade était

1. Jusqu’au Parthénon, les temples grecs n’avaient eu au plus que six colonnes à la façade. M. Beulé remarque que le temple octastyle de Sélinonte paraît de la même époque que le Parthénon.

2. ''OTuaÔev, derrière, et 86[J^oç, construction, salle, édifice.

3. IJpévao; ou npoSop-oç, vestibule ou porche du temple.

EXTÉRIEUR DU PARTHÉNON.

89

primitivement tournée au levant. Lorsqu’on entrait dans l’Acropole par les Propylées, c’était la façade postérieure ou occidentale H1 qui se présentait d’abord aux regards.

Autour du temple règne, ainsi que nous l’avons dit, le péristyle GH IR, composé de quarante-six colonnes, huit à chaque façade et dix-sept à chaque aile. Toutes ces colonnes sont légèrement inclinées vers l’in¬ térieur du temple, aussi bien que les murs mêmes de la cella; leurs lignes verticales, en les supposant suffisamment prolongées, se. réuni¬ raient dans le ciel à un point imaginaire fort éloigné, il est vrai, et leur ensemble constituerait une sorte de pyramide très-aiguë dont le temple formerait seulement les assises inférieures.

Cette tendance vers la forme pyramidale, symbole de solidité plutôt que type d’élégance; cette déviation de la perpendiculaire, très-prononcée dans les édifices archaïques; cette disposition que nous trouvons dans les portes de la trésorerie d’Atrée à Mycènes, édifice des temps héroïques, et que nous signalerons encore dans celle de l’Érechthéion, qui appartient à l’époque la plus raffinée^ sont une preuve de plus des emprunts faits par l’architecture grecque à l’art égyptien, dont cette forme fut toujours le caractère le plus saillant. M. Penrose^ cite, à l’appui de la généralité de cette coutume, un passage de Cicéron qui serait fort curieux, en effet, s’il était bien certain qu’il eût absolument le sens qu’il lui attribue, mais nous croyons qu’il en a un peu forcé la traduction pour les besoins de sa cause. Voici ce passage, tel que nous le compre¬ nons; on pourra comparer notre traduction au texte; nous la croyons littérale. Chargé, comme préteur urbain, de l’entretien des édifices de Rome, (( Verrès vient lui-même dans le temple de Castor; il le consi¬ dère; il voit partout le plafond richement orné et tout le reste de l’édifice neuf et en parfait état. 11 se tourne et retourne, cherchant ce qu’il pourrait faire. Un de ces limiers, dont il entretenait, comme il l’avait dit à Ligur, une meute autour de lui, lui dit : Verrès, tu n’as rien à faire ici, à moins que, par hasard, tu ne veuilles ramener les colonnes à la perpendiculaire. Cet homme, profondément ignorant, demande ce qu’on entend par ramener ci la perpencliculaire. On lui dit alors qu’il n’y a prescpie aucune colonne qui puisse être parfaitement perpendiculaire.

1. Principles of Athenian Architecture.

90 AT H N ES.

Eh bien! dit-il, voilà ce qu’il faut faire. Rendons les colonnes perpendi¬ culaires^. »

Le mot presque [fere], en éloignant l’idée d’une règle générale, nous semble rendre impossible la conclusion que M. Penrose tire du passage la seconde Verrine. Il fait dire à l’interlocuteur de Verrès que « dans un temple, il n y a pas d’ordinaire une seule colonne qui ne soit ùiclinée, » et il voit dans la phrase ainsi traduite une allusion à l’usage qu’il a constaté sur les temples grecs, mais que sans doute il n’eût pas retrouvé appliqué au temple de Castor, édifice romain dont la fondation remontait, il est vrai, à l’expulsion des Tarquins^, mais qui, d’après la citation même alléguée ici, avait être reconstruit, puisque toutes ses parties n’eussent point été neuves et intactes, nova atque integra, après plus de quatre siècles. Et d’ailleurs la remarque du satellite ne s’applique pas plus à ce temple c^u’à tout autre.

Dans le passage littéralement traduit ; <( Dans un temqole, il ny a presque aucune colonne qui puisse être parfaitement perpendiculaire, » nous ne pouvons voir autre chose que l’aveu de la faiblesse de toute œuvre humaine qui ne peut jamais atteindre à la perfection absolue. Cette interprétation ne rend que plus piquante la plaisanterie que l’igno¬ rant Verrès prend au sérieux.

Revenons au Parthénon, dont cette petite digression nous a éloigné un instant; nous verrons que les colonnes d’angle ont une inclinaison double, afin de contre-buter avec plus de force la poussée de l’édilice, et, dans le même but, elles sont aussi moins éloignées des deux colonnes voisines, qui semblent leur venir en aide; elles ont en outre, suivant la règle formulée plus tard par Vitruve^, un diamètre plus fort,

1. Venit ipse in œdeni Castor is; considérât templum; videt undique tectum pulcherrime laquea- tum, præterea cœtera nova atque integra. Versât se; quærit quid agal. Dicit ei quidam ex illis canilms, quos iste Liguri dixerat esse circa se multos : Tu, Verres, hic quod moliare nihil habes, nisi forte vis ad perpendiculum coluninas exigere. Homo omnium rerum imperitus, quærit quid sit ad perpendiculum. Dicunt ei, fere nullam esse colurnnam quæ ad perpendiculum esse possit. Nam, mehercùle, inquit, sic agamus : columnœ ad perpendiculum exigantur. »

CiCERO. In Verrem. Act. IL L. I, §51.

2. Tite-Live. L. II, 43. "

Canina. Indicazione topografica di Borna antica.

3. « Les colonnes placées aux angles doivent être grossies d’une cinquantième partie de leur

diamètre, parce qu’il semble que l’air et le grand jour, auxquels elles sont plus exposées que celles du milieu, les mange et les rend plus petites; du moins elles paraissent telles aux yeux, et il faut que l’art remédie è l’erreur de la vue. » Vitri ve. L. 111, c. 3.

KXTÉRrEUR DU PARTIIÉNON

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afin que, lorsque se détachant sur le ciel elles se trouvent entièrement noyées dans la lumière, elles ne paraissent pas plus grêles que les autres.

La hauteur des colonnes , compris le chapiteau , est de 10'", 30 ; leur diamètre est de 1"’, 70; celui des colonnes d’angle est de i"’,90.

Le chapiteau, fort simple^, formé d’un seul bloc de 0"‘,916 de hau¬ teur, n’a point d’astragale, et ce membre est remplacé par un anglet qui ne fait que couper les cannelures sans les arrêter.

Le chapiteau est réuni au fût par quatre filets; le tailloir n’a point de talon ; cette moulure eût paru mesquine dans une ordonnance aussi sévère 2.

Les colonnes sans base reposent sur les trois degrés très-élevés qui servent de stytobate à tout le monument^. Sur le degré supérieur, en avant des colonnes, on peut reconnaître au nord, à l’ouest et au sud des traces de stèles ou de petits piédestaux ayant porté des statues. Ces ex-voto ajoutés après coup devaient nuire beaucoup à l’aspect du temple, dont ils détruisaient la majestueuse simplicité.

C’est surtout dans le stylobate qu’est sensible une des données les plus singulières de l’art grec, dont nous avons déjà eu l’occasion de dire quelques mots à propos de l’escalier des Propylées. Aucune des grandes lignes du Parthénon n’est absolument horizontale ; toutes décrivent une courbe plus ou moins prononcée, peu considérable , il est vrai, puisque, sur les 69 mètres de longueur du Parthénon, elle n’est que de 0'",J23, et sur les 31 mètres de largeur de 0‘",072. On ne doit pas s’étonner qu’une déviation aussi peu sensible de la ligne droite ait échappé si longtemps aux regards des innombrables artistes et savants qui ont étudié le Parthénon; mais aujourd’hui qu’on est prévenu, il est facile de constater qu’un objet peu élevé posé à l’une des extrémités du stylobate est invisible pour celui qui place son œil au niveau de sa sur¬ face à l’autre extrémité. Il est donc évident que cette surface s’élève progressivement jusqu’au centre, présentant ainsi, en réalité, une ligne convexe.

1. Voy. la lettre en tète du chapitre.

2. Un de ces chapiteaux, avec une portion du fût, est au British Muséum, Elgin saloon, n“ 212.

3. Sur ces degrés, en maint endroit, on trouve gravés par les Turcs des espèces de petits labyrin¬ thes qui leur servaient pour une sorte de jeu de dames.

Cette particularité, signalée d’abord au Parthénon en 1837, par M. Pennethorne, architecte anglais, a été constatée par MM. Hofer, Schaubert, Fuente, Travers, Paccard et autres architectes de tous les pays, et reconnue depuis dans tous les autres temples grecs, et en par¬ ticulier à celui de Thésée, à Athènes même. Il est donc impossible de voir dans ces courbes l’effet du hasard ou d’un vice de construction , et force est d’y reconnaître le résultat d’une combinaison arrêtée, d’un système profondément réfléchi. Un autre architecte anglais, après une étude spéciale de huit mois (1846-1847) , à l’aide des instruments les plus exacts, les plus précis, a fait de ces courbes le sujet d’un ouvrage se trouvent notés les résultats de ses patientes et infatigables investigations^. 11 n’est pas facile de se rendre compte de la pensée qui a conduit les Grecs à adopter un système en apparence si incom¬ patible avec toutes les autres règles de l’architecture.

M. Penrose établit, par des raisonnements que la science physiolo¬ gique appuie de toute son autorité, que l’esprit, guidé par l’expérience, ne cesse de corriger les images que l’œil lui présente. C’est, selon l’auteur anglais, ce travail que les architectes grecs ont voulu épargner au spectateur, en donnant au monument des formes telles, que, dès l’aboçd, elles paraissent, non pas telles qu’elles sont, mais telles qu’elles devraient être. Cette hypothèse nous semble confirmée par un passage deVitruve, qui renferme un précepte dont, jusqu’aux récentes décou¬ vertes qui nous occupent, personne n’avait pu comprendre le véritable sens.

(( 11 faut faire, dit-il, la surface du stylobate de telle façon qu’elle ait au milieu une surélévation au moyen de blocs (progressivement) iné¬ gaux, car si le stylobate était rigoureusement de niveau, il semblerait à l’œil qu’il creuse au milieu^. »

Ces derniers mots nous paraissent établir de la manière la plus positive la vérité du système de M. Penrose; cependant M. Beulé ne l’accepte

1. Penrose. Principles of Athenian architecture. London. 1851.

2. « Stylobaten ita oportet exœquari, uti haheatper medium adjunctionem per scamillos impures.

Si enirn ad libellam dirigetur, alveolatum oculo videbitur. » Vitr. L. III, c. 4.

Le mot scamillus veut dire ordinairement escabeau, mais paraît désigner ici les blocs rectangu¬ laires qui composent un soubassement et qui ont en effet quelque chose de la forme d’un escabeau. MM. Quicherat et Daveluy {Dictionnaire latin-français) proposent de traduire scamillus par soc/e de colonne.

EXTÉRIEUR DU PARTI! ÉNON.

93

pas. Quoique nous regrettions de ne pouvoir partager son opinion, nous la reproduirons ici , tant pour mettre sous les yeux de nos lecteurs tous les éléments de la cause, que parce que, dans une page du brillant professeur, il y a toujours quelque profit pour l’imagination et pour l’esprit :

« Les courbes horizontales peuvent être considérées comme une con¬ séquence des inclinaisons verticales. L’on sait à peu près l’époque elles commencèrent à être employées : elles n’existent pas encore au temple de Corinthe ; on les voit déjà au plus récent des temples de Pæstum. C’est le cas , à ce qu’il semble , de se rappeler le mot de Vitruve : (( Blandimur voluptati visiis. » Charmer les regards, n’est-ce pas le but le plus immédiat, sinon le plus élevé de l’art?

« La ligne droite, sur un long développement, a quelque chose de sec et de froid; nous en avons des exemples frappants dans les monu¬ ments que les modernes ont copiés sur l’antique, avec plus de science que de sentiment. La ligne droite est une abstraction toute géométrique, que l’on ne retrouve jamais dans la nature. Les lignes mêmes des horizons décrivent une double courbe, déterminée par la forme du globe. La convexité du soubassement et des architraves donne au Parthénon quelque chose de vivant et d’harmonieux qui nous pénètre à notre insu. Il est si vrai que l’architecte n’a point prétendu redresser nos percep¬ tions, qu’il a compter au contraire sur leur naïve exactitude pour nous transmettre la notion de ces belles courbes. Elles sont en effet parfaitement sensibles, pour peu que le regard s’y arrête et cherche le secret des impressions inconnues qu’un principe si nouveau éveille en nous. C’est toujours ce qui m’a frappé dans les temples doriques les courbes existent, à Pæstum, en Sicile, en Grèce. Peut-être était-ce une complaisance des yeux pour l’esprit prévenu; mais aujourd’hui, chacun peut contrôler le témoignage de ses sens par les résultats que la science

démontre, et je ne crois pas qu’on trouve jamais en défaut leur sincé-

\

rité^. »

Un mot de cette citation a déjà appris à nos lecteurs que les courbes observées au stylobate se reconnaissent également dans les parties supé¬ rieures de l’édifice, aux architraves, aux corniches, aux bases des

1. E. Beulé. V Acropole d’Athènes. T. II, p. 2f’,

!)4

AT HExXliS.

frontons. Nous trouvons également ce fait érigé en règle par Yitruve : (( Les chapiteaux des colonnes , dit-il , étant terminés , et n’étant point posés de niveau, bien qu’étant d’une égale proportion, les architraves doivent être tracées de telle sorte que le renflement qui a été ménagé dans le stylobate se retrouve dans les membres supérieurs de l’édifice^. »

Enfin, il est un troisième genre de courbes ([ui se trouve également au Partbénon et dans les autres édifices grecs. La face de rentablement forme une ligne concave sur chacun des côtés de l’édifice, de sorte que les angles ne sont pas absolument droits, mais un peu aigus. Cette disposition avait évidemment pour but d’ajouter encore à la solidité du temple, en opposant à l’écartement une plus grande résistance vers le centre des grandes lignes.

Les colonnes sont cannelées à vive arête dans toute leur hauteur, et les cannelures sont au nombre de vingt. Elles ne viennent pas, comme dans la plupart des autres temples grecs, se couper brusquement et à angle droit aux filets du chapiteau ; elles se rapprochent plutôt du système romain; seulement, au Partbénon, au lieu d’être terminées, comme en Italie, par un demi-cercle, elles le sont par une sorte d’arc surbaissé.

i.es joints des tambours qui composent les colonnes sont d’une telle perfection, qu’il faut la plus grande attention pour les découvrir; ils n’ont souvent pas l’épaisseur du cheveu le plus délié. Du reste, dans tous ses détails, le Partbénon offre la même perfection.

Les colonnes soutiennent un entablement qui a 3”', 25 de hauteur et (pii n’est pas moins admirable par la beauté des marbres dont il est orné, que par le caractère mâle qui règne dans ses profils. Il paraît, conformément à la règle posée par Vitruve^, avoir été décoré de têtes de lion et d’antéfixes , dont on voit (iuel(:[ues échantillons au musée de Londres

La face du triglyphe est exactement à l’aplomb de celle de l’architrave, règle (pie Leroy pense avoir été suivie à Athènes jusqu’au temps d’Au-

1 . « CapituUs perfectis deinde columnarum , et non ad libeUam, sed ad æqualem modulum collocatis, ut quæ adjectio in stylobaüs facta fuerit, in superioribus menibris respondeat, epistyliorum ratio sic esthabenda . » Vitr. L. III, c. 5.

« In cymis capita leonina sunt scalpenda. » VniavE. L. III.

/prym Saloon. JN" .'591, trtc de lion. N"’ .'189 et Ü91), antéfixes.

EXTÉRIEUR DU l'ARTllÉNON.

1)5

guste , et dont les Grecs se seraient écartés alors , et après eux les Romains, en faisant la surface du triglyphe en surplomb sur rarchitrave.

La hauteur des triglyphes du Parthénon est de leur largeur

de 0'*',85. On remarquera encore qu’ici, comme dans tous les temples doriques grecs, l’angle de la frise est flanqué d’un triglyphe, tandis que chez les Romains cet angle restait nu , et le triglyphe était placé à l’aplomb de l’axe de la colonne.

Angle rie frise du Parthénon. Angle de frise romaine.

L’entablement du Parthénon ne suit pas la forme pyramidale des murs de la cella et des colonnes; au lieu d’incliner, comme eux, vers le centre, il se redresse et penche même légèrement vers l’extérieur du monument. M. Renié nous semble avoir donné de cette particularité l’explication la plus simple et en même temps la plus vraie. Si l’entable¬ ment renversé en arrière eût fui l’œil du spectateur, tout l’effet eût été perdu; ces ornements fussent devenus invisibles, d’autant plus ([u’au

96

ATHÈNES.

Parthénon, comme dans tous les temples grecs, si tous étaient rehaussés de peintures^, plusieurs étaient simplement peints et non sculptés, et par conséquent sans saillie 2.

Nous avons déjà eu occasion de parler de l’emploi de la polychromie dans la décoration des édifices grecs Certaines couleurs étaient, comme par tradition, affectées à certains membres d’architecture : le bleu aux triglyphes et aux mutules, le rouge aux métopes et à la bande creuse qui sépare les mutules, etc.; les gouttes étaient dorées; le fond des frontons était généralement bleu , ainsi que celui des caissons sur lesquels se détachaient des étoiles ou des rosaces d’or. La frise de la cella du Parthénon était surmontée de canaux alternativement rouges et bleus ; au-dessous de la frise couraient un méandre sobrement peint et doré^, et des rais de cœur distingués par des filets rouges sur un fond bleu®; enfin, sur un chapiteau d’ante du posticum, M. Penrose dit avoir vu des oves blancs séparés par des fers de lance rouges, et des rangs de perles d’or sur un fond bleu

M. Paccard et quelques autres ont cru voir sur les fûts des colonnes des traces d’ocre jaune. Nous croyons, après examen attentif de l’espèce de croûte jaune qui recouvre en effet certaines parties du fût des colonnes, qu’il ne faut y voir qu’une sorte d’oxydation du marbre produite par l’ardeur du soleil , d’autant plus que les parties les plus abritées, et par conséquent la peinture eût le mieux se conserver, sont justement celles l’on en trouve le moins de traces.

Le portique est double à chacune des façades du Parthénon, et ce ne sera peut-être pas sans cjnelque étonnement qu’on remarquera dans